Ecrivain-photographe ou photographe-écrivain, entre ses deux passions, Thierry Clech ne choisit pas. Après des livres de photo en collaboration avec des écrivains, il publie des romans sans photos sous son nom. Sur ses traces est le second, après Le temps d’une île (éditions Henry Dougier – 2018). On ne s’étonnera pas que ce nouveau titre paraisse cette fois chez Marest Editeur, dont la ligne éditoriale navigue en permanence entre littérature et cinéma, profitant des passerelles que constituent des textes comme celui-ci.
Le narrateur, amoureux fou du film Vertigo, classique intemporel d’Hitchcock, reprend conscience devant l’écran de sa télé, sans pouvoir se souvenir de ce qu’il lui est arrivé. S’est-il endormi, a-t-il perdu connaissance ? La seule certitude est l’absence de Constance, sa compagne, son amour qui devrait être à ses côtés. Commence alors une quête à travers Paris, à la recherche de Constance …
Thierry Clech, à n’en pas douter, partage la passion de son narrateur pour l’oeuvre d’Hitchcock et son récit navigue en permanence entre la réalité de la ville et l’illusion du cinéma. Au cours de son errance sous la neige à travers les rues de la capitale, le narrateur est régulièrement assailli par des visions comparables à celles que vit le personnage de Scottie dans Vertigo. Croyant à plusieurs reprises reconnaître Constance, il se retrouve dans la peau de Scottie recherchant Madeleine alors qu’il la sait morte. Incapable de se décider sur la conduite à tenir, il erre longuement dans Paris, que la neige recouvre progressivement, accentuant ainsi cette ambiance ouatée, éthérée dans laquelle il semble se débattre au ralenti.
» (…) la ville dans laquelle je déambule n’est peut-être après tout qu’une idée à laquelle mon esprit donne consistance (…), comme si tous ses espacements, ses parcs, ses immeubles et ses tours n’étaient là que pour dissimuler un vide foncier qui n’est d’ailleurs pas forcément celui de cette ville, mais le mien (…) »
Le lecteur a l’impression d’assister à une quête indécise au sein d’une ville fantôme. Même si le narrateur y croise des centaines de personnes, il paraît seul la plupart du temps, côtoyant des visages anonymes dans des lieux hantés par le passé. C’est ainsi que ses pas hésitants le mèneront vers la rue Paul Bert où se situe le Bureau des objets trouvés. Il avait égaré son portefeuille dans le quartier quelques dizaines d’années plus tôt et ne l’avait jamais récupéré. Poussant la porte, il renouvelle sa requête d’alors et, à sa surprise, le gardien des lieux lui ramène l’objet égaré, en provenance directe de sa jeunesse…
Hommage au cinéma en même temps qu’à Paris, Sur ses traces se lit comme une rêverie vertigineuse, une mise en abyme du film d’Hitchcock en même temps qu’une réflexion parfois amère sur le temps qui passe et ne laisse rien intact. Quant à savoir ce qu’est devenue Constance, on n’en dira pas plus, si ce n’est que, là encore, Thierry Clech joue avec ses personnages et son récit, nous offrant ainsi un texte court et dense, une ode au cinéma et à l’imagination.
Sur ses traces, Thierry Clech, Marest éditeur, 120 p., 12€.
Aussitôt lu ce billet, aussitôt le livre commandé.
Merci beaucoup et bonne lecture !