Je répondais à une amie qui me demandait le goût que j’en avais eu :
J’ai vraiment aimé ! Beaucoup ! L’écriture coule toute seule (y a deux ou trois Tels qui ne posent aucun problème, c’est dire !), du bien écrit (ai-je trouvé) sans chercher l’effet de style, ensuite un langage avec lequel je me sens bien (archétype, liminarités)(sans trop en faire) et puis de la forêt, de l’hiver, de la neige. Et l’ours.
Du sens, pas de sens, au-delà du sens ?
Des questions plutôt que des réponses, un frémissement de transformation, de l’Occident et du Grand Nord (toujours déroutant pour l’indicible cette rencontre).
Et tout ça tranquillement à sa place d’humaine.
Un récit.
Ça m’a donné envie de lire son essai d’anthropologie, c’est dire (bis).
Gaëlle.
« Ce jour-là, le 25 Août 2015, l’évènement n’est pas: un ours attaque une anthropologue française quelque part dans les montagnes du Kamtchatka. L’évènement est: un ours et une femme se rencontrent et les frontières entre les mondes implosent. »
Me voilà précipitée dans un récit tenu avec talent et grande intelligence. De cette rencontre, Nastassja Martin s’explore, se vide pour se remplir d’autre chose.
« Qui sommes-nous? où allons-nous ? », Martin chemine, immobile, sur son lit d’hôpital russe avant d’être rapatriée à la Salpêtrière.
Son ours est parti avec une partie de sa mâchoire, deux de ses dents et un coup de piolet dans le flanc. L’ours est parti avec une partie d’elle.
En quittant le Kamtchatka, le territoire ancestral du peuple des Évènes, Nastassja quitte aussi sa terre nourricière, celle qui sait ce que porte en lui ce mot de « miedka », l’interconnexion redoutée et redoutable d’un humain avec une part animale de notre monde. Elle ne comprend alors plus son arrivée dans notre monde occidental, froidement binaire, sûr de ses certitudes.
Nastassja Martin bouscule les barrières entre anthropologie, philosophie et récit de vie. Elle désoriente instinctivement pour nous transporter dans ce mélange de vérités chirurgicales et animistes et y trouver sa métamorphose éclatante, cette nouvelle naissance où le « Grand Tout » bouleverse les corps et les consciences.
Voici un récit qui m’a totalement subjugué par sa force, où il n’y a pas plus d’amis ou ennemis, mais une identité qui se découvre à l’autre en face à face puis en côte à côte.
Martin n’éprouve pas d’animosité, elle vit son animalité, cette origine première, et nous emporte sur des terres mouvantes et fascinantes, au pays des nomades et des éleveurs de rennes.
Fanny.
Croire aux fauves, Nastassja Martin, éditions Verticales, 152 p., 12€50.