L’envie de partage et la curiosité sont à l’origine de ce blog. Garder les yeux ouverts sur l’actualité littéraire sans courir en permanence après les nouveautés. S’autoriser les chemins de traverse et les pas de côté, parler surtout de livres, donc, mais ne pas s’interdire d’autres horizons. Bref, se jeter à l’eau ou se remettre en selle et voir ce qui advient. Aire(s) Libre(s), ça commence ici.
Crazy Brave, Joy Harjo (Globe) – Fanny
Crazy Brave, Joy Harjo (Globe) – Fanny

Crazy Brave, Joy Harjo (Globe) – Fanny

En refermant cet ouvrage, j’ai pensé aux anciennes tuniques en peau, peintes et narrant les légendes, les batailles et les visions amérindiennes. Une tunique qui pouvait être portée tous les jours, parce que la différence entre action sacrée et action profane n’existait pas. L’une s’emboitait dans l’autre, dans le quotidien venait des signes qu’il fallait laisser venir à soi. Cette tunique portait l’odeur de la cuisine, de la sueur, de la chasse, des pleurs, du sexe, du sang. Elle gardait clairs les esprits, l’histoire du clan, les croyances, les mythes.
Le récit de Joy Harjo (avec la traduction de Nelcya Delanoë -spécialiste des minorités aux États-Unis- et Joëlle Rostkowsky – ethnohistorienne, directrice de la galerie Orenda, orientée vers des artistes issus de cultures non occidentales) m’a fait penser à cela.

En commençant sa lecture, comme une grande douceur… c’est une poésie de l’instant qui s’échappe.
Et si, pour parer à la folie d’un quotidien violent, s’attacher au processus de la création était un acte de bravoure?

Joy Harjo convoque ses souvenirs, de sa naissance, déjà mouvementée, à sa prise de conscience par la poésie. Entre ces deux instants, une texte passionnant se remémorant des abîmes, de grandes joies et des blessures profondes.
Par les quatre points cardinaux, Harjo nous entraîne dans son monde avec franchise et lucidité.
En toile de fond, l’histoire amérindienne faite de spoliations, de génocides, de violences, de viols, de drogues mais aussi de résistance, d’art et de résilience.

Ce chant d’Harjo, nommé Crazy Brave, dénote par sa forme, oscillant entre récit classique de l’intime et mémoire ancestrale faite de rêves et de visions.
C’est vraiment beau à lire, comme une histoire pour abreuver l’espoir, pour être témoin d’une renaissance.

« Je désirais que la langue de mes ancêtres, complexe, métaphorique, passe dans ma langue et dans ma vie » nous écrit Joy Harjo, fille Creek et Cherokee, enfant du feu et de l’eau, artiste accomplie avec plus d’une vingtaine d’ouvrages à son actif et première femme amérindienne à accéder au poste de « poète officielle des États-Unis ».

Et bien c’est totalement réussi, totalement émouvant, totalement fou, totalement brave, voici l’histoire de Joy Harjo.
Un récit qui dépasse sa réalité propre comme dans une danse tribale où une femme guerrière s’en remettrait à sa vérité pour laisser échapper les sons de son âme.
Bouleversant et magnétique.
Coup total au ❤️

Fanny.

Crazy Brave, Joy Harjo, éditions Globe, 165 p., 19€.

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