Il n’est pas forcément évident de chroniquer un livre lu à la demande de l’auteur, à plus forte raison quand le livre ne convainc qu’à moitié. Mais l’exercice se tente, alors essayons d’y regarder d’un peu plus près …
Jacques-Olivier Bosco (JOB) n’en est pas à son coup d’essai. Pour être plus précis, Laisse le monde tomber est son huitième roman publié depuis ses débuts avec Et la mort se lèvera (éditions Jigal – 2010). Ont suivi depuis quatre autres titres, chez Jigal également, et un diptyque paru chez Robert Laffont en 2017 et 2018 : Brutale puis Coupable.
Dans une cité des Hauts-de-Seine est retrouvé le corps atrocement mutilé d’un enfant. Les lieutenants Lenantais et Lartigue, chargés de l’enquête, privilégient la piste d’un chien dressé à tuer. La bête fera très vite une seconde victime pendant que les enquêteurs doivent faire face à la colère des habitants du quartier. Simultanément, un gang de tueurs de flics sévit en région parisienne …
JOB donne le ton dès les premières pages, avec une scène d’ouverture en deux (courtes) parties, brève et cinglante. Pas d’ambiguïté ici, on n’est pas dans un feel good book ni une anthologie de poésie. JOB écrit du noir et assume. Le reste du roman est à l’avenant, entre décors glauques, mauvais temps et personnages cabossés par la vie, rares sont les lueurs dans ce texte aux allures de tunnel. En dédiant son roman à Conan Doyle, JOB assume également la filiation avec Le chien des Baskerville, auquel il fait d’ailleurs référence au cours du récit. La comparaison avec l’oeuvre du créateur de Sherlock Holmes s’arrêtera là. Profondément ancré dans un lieu et une époque, Laisse le monde tomber est la peinture apocalyptique d’un monde en perdition, dans lequel la violence prévaut. Ses protagonistes se débattent avec une existence pour le moins difficile, à grand renforts d’alcool (pour Lenantais) ou d’adrénaline (pour Lartigue). Si quelques étincelles de tendresse semblent encore possibles, l’amour et l’apaisement ne sont pas au programme.
Sans avoir la prétention de se lancer dans une étude sociologique sur la vie en cité, l’auteur s’autorise quelques portraits souvent justes, comme celui du « Gaulois » ou de certains jeunes du quartier. Il apporte ainsi à son récit une épaisseur et une crédibilité qui finiraient par manquer tant l’obsession de l’efficacité semble le mener quand il écrit. C’est sans aucun doute cet aspect outré, tant dans les dialogues que dans les événements décrits, qui peut poser problème au lecteur. Laisse le monde tomber est indéniablement un roman qui se lit vite, un de ces textes que l’on qualifie d’efficaces quand on ne sait trop quel autre terme utiliser. C’est une machine qui tourne à plein régime, l’action prévaut sur la réflexion, l’hémoglobine coule à flots. Pour faire simple, disons que le cahier des charges du thriller est respecté, pour ne pas dire dépassé, au risque d’en faire trop et de perdre ainsi tout crédit. Se situant dans la plus pure tradition du « pulp », l’auteur sait ce que l’on attend de lui et ne s’encombre donc pas de superflu.
Au-delà de ces réserves, on ne peut cependant pas nier que JOB a réussi son coup car il est difficile de lâcher son texte avant de l’avoir terminé. Alors, finalement, peu importe si certains passages nous ont fait hausser les épaules ou un sourcil circonspect, le travail est fait, et plutôt bien. Bonne nouvelle pour les amateurs, la fin du roman appelle une suite, reste à savoir si elle paraîtra chez le même éditeur, dont les tribulations récentes semblent condamner la suite des activités … Il nous faudra, quant à nous, simplement admettre que nos goûts nous portent vers d’autres nuances de noir.
Yann.
Laisse le monde tomber, Jacques-Olivier Bosco, French Pulp, 356 p., 19€.