Elmet est un immense roman d’une intensité qui t’électrisera à chaque page.
Subjuguée.
J’ai été subjuguée par cette histoire.
« On arriva en été, quand le paysage était en fleurs, les journées longues et chaudes, la lumière douce. Je me promenais torse nu, et ma sueur était propre. J’aimais l’étreinte de cet air épais. Pendant ces mois-là, des taches de rousseur apparurent sur mes épaules osseuses. Le soleil était long à se coucher, les soirées tournaient à l’étain avant de noircir, puis un nouveau matin s’immisçait. Les lapins gambadaient dans les champs et, avec un peu de chance, lorsqu’il n’y avait pas de vent et que la brume s’attachait aux collines, on apercevait un lièvre. »
Cela commence ainsi, dans cette région rurale du Yorkshire. Fiona Mozley (traduction de Laetitia Devaux) a une manière splendide de décrire l’humeur de la terre et de ses gens qui l’habitent.
C’est du haut d’une colline que John Smythe est venu s’installer avec ses enfants, Cathy et Daniel.
John est un géant, Cathy emprunte la voie du père, avec cette prestance, ce regard incandescent, ce corps sauvage. Daniel porte le côté maternelle d’un mère évanescente, qu’il n’a pratiquement pas connu, mais dont il a emprunté la ligne fragile et noueuse.
Tous les trois vivent au sein d’un bois qui ne leur appartient pas mais dont ils prennent soin comme un des leurs. Ils chassent, cueillent, comme un bonheur qui pourrait être simple.
Fiona Mozley t’emporte auprès d’eux et ce quelque chose d’irrémédiablement envoûtant se pose au gré de la forêt, au fil des saisons et des pages.
Il y a ces bois et une voie ferrée non loin, il y a les canards sauvages et les chiens de chasse, il y a John qui peut déplacer délicatement un hérisson réfugié sous un tas de bois et le même John qui peut exploser une mâchoire à son adversaire lors de combats illégaux.
Ombre, beauté, lumière, violence.
L’auteure anglaise navigue entre deux eaux et sa dextérité à nous entraîner dans des courants contraires est la gageure de cet excellent roman noir.
On les « voit » ces trois personnages, j’y étais dans cette maison construite avec courage et abnégation. Mais rôde autour ce Mr Price, cet homme sans foi ni loi qui règne sur son « domaine ». La tension monte, les langues se délient. Mozley continue de te dire la beauté de l’endroit tout comme sa sauvagerie, te raconte avec douceur le passage des saisons et infiltre la brutalité et la vengeance, comme deux petites gouttes d’arsenic dans une goûteuse boisson.
« Elmet », Fiona Mozley nous le précise, « (…)était le dernier royaume celtique indépendant d’Angleterre, un sanctuaire pour ceux qui souhaitaient échapper à la loi. »
Dans ce roman intemporel, il y a construction et déconstruction, apprentissage et tyrannie, beauté et laideur de l’âme humaine.
C’est un constant contraste d’une histoire qui se répète à l’infini, ce pouvoir des puissants sur les humbles, ces résistances qui s’organisent puis se défont au gré des mensonges, de la peur et des manipulations, et puis enfin, cette nature qui règne pour toujours.
Voici un roman splendide, lyrique, addictif, avec une profondeur de champ qui capte immédiatement l’attention.
Ne passez pas à côté d’une telle pépite.
Coup puissant au ❤️
Fanny.
Elmet, Fiona Mozley, éditions Joëlle Losfeld, 236 p., 19€.