L’envie de partage et la curiosité sont à l’origine de ce blog. Garder les yeux ouverts sur l’actualité littéraire sans courir en permanence après les nouveautés. S’autoriser les chemins de traverse et les pas de côté, parler surtout de livres, donc, mais ne pas s’interdire d’autres horizons. Bref, se jeter à l’eau ou se remettre en selle et voir ce qui advient. Aire(s) Libre(s), ça commence ici.
Soleil, David Bouchet (La Peuplade) – Fanny
Soleil, David Bouchet (La Peuplade) – Fanny

Soleil, David Bouchet (La Peuplade) – Fanny

Le temps passe désormais autrement, je viens de tomber en amour d’un roman de 2015. Un roman que j’ai pris contre mon cœur, en fin de lecture, un roman qui me dit que j’allais trop vite avant, emportée par tout ce que je me mettais en tête de faire, absolument, ici, là, maintenant, et pas loin de l’étouffement. Merci Souleymane Gueye d’avoir réorienté mon regard, de m’avoir laissé te rattraper d’une étagère toujours pleine, de me permettre de te défendre, enfin et sûrement, en dehors de tout « système » de nouveauté.

Soleil de David Bouchet (Daouda Toubab) est un livre qui fait du bien, vraiment du bien. C’est une histoire qui m’a fait penser aux enfants narrateurs d’Alain Mabanckou, rythmée par l’innocence et l’intelligence première, celle du cœur.
Souleymane, douze ans, part de Dakar avec sa famille: la Mère, forte, pieuse et magnifique, Bibi, le grand frère de l’instant présent, Lila, la petite sœur vibrante d’énergie et P’pa, homme du voyage ayant grandi dans le quartier de Villeneuve, à Grenoble, pour se retrouver à seize ans au Sénégal, pays d’origine, privé de passeport afin de lui « sauver sa peau » et lui apprendre, dans le même temps, à ne jamais se retourner sur le passé.

Souleymane, Souleye, que son amie Charlotte Papillon surnommera Soleil parce qu’elle l’a compris ainsi, que cela lui va si bien à ce gamin déraciné et totalement généreux; Souleye, donc, nous fait débarquer dans un Montréal âpre et rigoureux où la famille doit faire sa place. C’est une histoire de migration, c’est dur, terriblement réaliste et résolument solaire. Parce qu’au milieu des « colons », d’un « boudiouman » et de la débrouille quotidienne, Souleye s’attache au portrait des siens, à leur redécouverte des uns des autres, au courage, aux rêves, aux questions inévitables et au chemin qu’il faut continuer, quoiqu’il advienne, car il y a toujours plus désespéré ailleurs.

Un premier essai d’enracinement s’expérimentera au sein d’une maison située dans le quartier de Rosemont. Sauf que dans le vaste sous-sol le père se confronte à la dureté de l’exil, s’y terre, s’enterre en creusant un trou. La folie débarque pour expier une douleur, la Mère devient alors l’amer remarquable tandis que Souleye s’improvise vigie, prêt à voir le beau rivage, à y croire.
C’est à Rosemont que Soleil rencontrera Charlotte, une « pure laine » déracinée par son histoire familiale; l’exil et ses facettes multiples. J’ai alors lu la tendresse, le respect et l’entraide discrète de ces deux jeunes beaux adolescents.

« -C’est la gêne devant mon strabisme, les gens, c’est comme ça… Toi, t’es pas gêné, c’est tout.
-Tu veux que j’arrête de te regarder?
Elle ne me répond pas, elle me fixe comme à notre première rencontre à la caisse du Maxi. Charlotte, ses yeux sont comme une bouche, ils parlent. Parce que tous les climats, toutes les pluies et toutes les tempêtes sont passés sur elle. Ses yeux disent des choses sur sa vie, c’est une lumière aussi forte que des éclairs les soirs où il y a du tonnerre.(…) »

L’amitié, la folie, l’attachement, la résilience, l’acceptation, la complexité des êtres, leur mystère et la bonté d’âme font partie de ce roman qui, loin d’être niaiseux, amène une douceur infinie à un sujet aussi douloureux que le déracinement.
J’ai avancé avec eux, me suis serrée contre eux dans la Subaru Forester qui partait en direction d’un chalet de la Petite Nation, j’y ai retrouvé ce bonheur vif d’être au sein de la profonde nature québécoise, entourée par leurs rires éclatants. David Bouchet t’y déterre, aussi, la joie d’être au monde.

Soleil est devenu « mon » Candide de l’exil, un p’tit gars sur qui il fait bon compter au fil des pages, une petite merveille de résistance et d’humanité. Soleil est un roman qui se détache de la noirceur en exprimant toute la poésie jaillissant de l’idée de la « perte » de repères, de mémoire. C’est une histoire qui donne courage, donne envie d’aller poser sa main sur la crinière « trampoline » de Souleye. Il donne ce Soleil.
Dirigez donc vers lui, il vous ouvrira grand ses bras.

Coup brillant au ❤️

Fanny.

Soleil de David Bouchet, éditions La Peuplade, 305 pages, 20 euros.

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