Un récit qui donne la fièvre, un récit qui rend compte d’une fierté, d’une « soul » sublimée, d’un violence tristement actuelle, d’une journée éblouissante.
Le 20 Août 1972, le festival « Wattstax » a lieu au Los Angeles Memorial Coliseum, habituellement haut lieu de rencontre sportive mais où fut aussi déclamé en 64, un discours vibrant de feu Martin Luther King.
L’avant, le pendant et l’après de cette journée mémorable nous est donnée à lire et c’est absolument jouissif car Guy Darol a une sacrée plume. Il nous rend l’intensité des évènements qui, mis en corrélation, nous rendent la substantifique moelle de l’histoire Afro-Américaine.
J’aime la soul comme je butine avec légèreté d’autres styles musicaux, je ne connaissais rien à son origine. Et là, j’ai adoré y apprendre des anecdotes, avoir cette géniale impression de pénétrer au cœur d’une époque à la fois riche musicalement et politiquement, la soul étant la palpitation d’un peuple.
Guy Darol m’a donné envie de réécouter les titres qu’il égrène avec générosité au fil des pages de Wattstax. Sa somme de connaissances est immense mais je ne me suis, à aucun moment, retrouvée « ensevelie sous ». La performance de cet ouvrage, placé dans la collection « a Day in the Life » de l’éditeur Le Castor Astral, est d’écouter un spécialiste sans décrocher. Parce qu’il y a de « ça » dans Wattstax : la forte sensation d’écouter plutôt que de lire, tant l’atmosphère d’émission radiophonique est happante. Ce livre devient alors une malle aux trésors pour qui aime l’histoire de la soul et du Black Power.
Il fait partie des récits où l’on apprend tellement de choses que cela rend comme une décharge électrique et c’est puissamment bon comme un chanson engagée de Sam & Dave.
« La soul était une vibration de cœurs meurtris par l’éviction programmée des Noirs », à la suite de cette phrase, vous y découvrirez la puissante définition de la soul par James Brown et vous aurez envie de pousser le volume sonore du précieux documentaire lié au festival (lien en fin de cette chronique, tu as le temps, tu es chez toi pour une éternité), jusqu’à en faire trembler les murs de ton immeuble.
Mais j’en reviens au titre qui donne l’essence du livre. Wattstax est le mélange explosif entre un hommage à la révolte des habitants du ghetto de Watts, à Los Angeles, durant l’été 1965 et le label Stax de Memphis. Label investi dans la musique Afro-Américaine, tout comme l’était la Motown à la même époque, mais en moins sirupeux… même si j’adore Marvin Gaye…mais Otis Redding, quand même, c’était aussi quelque chose niveau tendresse universelle.
À partir de ce mythique moment de rassemblement qui n’était donc pas que musical, Guy Darol devient le prêcheur de la soul en t’emportant dans les racines du mouvement et, d’un coup, tu te retrouves le poing levé comme ceux d’Al Bell, de Jesse Jackson et des Black Panthers. Tu retraces un pan d’une histoire faite de racisme ultra-violent, de Ku Klux Klan dévastateur, de résistances magnifiques, de colères populaires, de flambeurs, d’hommes et de femmes aux voix si puissantes, de haine intolérable, d’exactions, de politiquement incorrect de Reagan en arrivant à Trump, de justice qui n’en est pas, et d’amour profond pour cette musique qui dit ses maux.
« (…) Le goût et le son sont notre âme. On vit peut-être dans un taudis, mais le taudis ne vit pas en nous. On est peut-être en prison, mais la prison n’est pas en nous. À Watts, on est passé de « Brûle, mec, brûle » à « Apprends, mec, apprends » ».
J’ai appris fabuleusement en lisant Wattstax, 20 Août 1972, une fierté noire, voici donc un indéniable coup au ❤️
Fanny.
Wattstax, Guy Darol, Le Castor Astral, 188 p. , 15€90.