On la connaissait éditrice (voir l’entretien ici), on la découvre romancière. Claire Duvivier publie donc Un long voyage, son premier roman, Aux Forges de Vulcain, maison indépendante au catalogue inclassable et décalé, portée par l’énergie de David Meulemans. Alors que les romans que publie l’auteure avec son acolyte Estelle Durand ont une tonalité plutôt noire, voire très noire, et souvent sociale, ce Long voyage est à ranger parmi les littératures de l’imaginaire, genre auquel, avouons-le, on ne s’est que très peu frotté depuis pas mal d’années.
Il faudra donc très vite reconnaître l’excellente surprise que constitue ce roman, tant par ses qualités d’écriture que par la cohérence et la finesse de sa trame. Créant avec justesse et sobriété un monde atypique, Claire Duvivier y développe l’histoire de Liesse, jeune homme né d’une famille de pêcheurs et banni de son île à la mort de son père. Recueilli par le régisseur de la concession impériale de Tanitamo et son apprenti, Liesse va apprendre à évoluer au sein de cette société nouvelle pour lui. Son aisance et ses capacités lui permettent finalement d’obtenir le poste de secrétaire particulier de l’ambassadrice impériale dans l’Archipel. C’est en la suivant dans l’exercice de ses fonctions que Liesse verra sa vie basculer en même temps que l’empire pour lequel il oeuvre.
Un long voyage est le récit que livre, quelques années après les faits, Liesse à sa nouvelle compagne. Il y relate les événements survenus, en s’attachant plus particulièrement à la figure de Malvine Zélina de Félarasie, ambassadrice au destin hors norme, dont les tribulations amèneront la fin du monde tel qu’elle le connut. Prenant le temps de poser les fondations de son roman, avant de lui donner plus de rythme, Claire Duvivier séduit par son écriture à à la fois fine et sobre, délicate et classique. Elle excelle à dépeindre aussi bien les rapports de classes au sein d’une société très hiérarchisée que les problématiques liées aux langues des différents peuples qui constituent l’Empire. Egalement attachée à l’aspect politique de la situation, elle en offre une représentation pertinente et en joue habilement pour graisser les rouages de son histoire. Ajoutant à tous ces éléments une pincée de distorsion temporelle, l’auteure parvient à convaincre sans tomber dans la surenchère et offre un premier roman qui, plus qu’une agréable surprise, étonne et séduit, rappelant au passage certains récits du grand Jack Vance auquel on voua une forme de culte il y a bien longtemps. La comparaison est flatteuse mais justifiée et l’on se prend à espérer un nouveau voyage dans l’univers de Claire Duvivier.
Yann.
Un long voyage, Claire Duvivier, Aux Forges de Vulcain, 313 p. , 19€.