Wow ! La Peuplade a encore trouvé le moyen de nous faire cadeau d’un véritable joyau littéraire. Un 1er roman qui nous emmène loin des sentiers battus, sur une île où les éléments façonnent tout à leur gré et où les animaux agissent étrangement sur la vie des humains.
On y apprend beaucoup sur le Lièvre d’Amérique dont les caractéristiques inaugurent chaque partie du livre. Puis on découvre très vite Diane : elle vient de subir une mystérieuse « opération », c’est sûr maintenant, ses capacités vont grandement s’améliorer, elle va pouvoir enfin assumer un quotidien professionnel qui était devenu trop lourd. Mais à côté de cette métamorphose qui prend forme, ce sont les réminiscences de son adolescence et d’une rencontre fondatrice qui soulignent la fragilité de sa situation, le tournant que sa vie doit prendre.
L’absurdité d’une vie dénuée de sens profond nous apparaît alors en pleine lumière. À mesure que la vision de Diane se fait plus aiguisée, notre regard s’affûte. À quoi bon cette éternelle course à la performance ? Ne devrait-on pas être plus à l’écoute de notre instinct ?6 parties entrecoupées de pages tellement gorgées d’encre qu’elles se replient sur elles-mêmes, tout à la fois passages vers la suite et écran nous empêchant de progresser trop vite dans notre lecture. Flots du fleuve déchaîné ou fourrure désordonnée d’un lièvre, qu’y voyez-vous ?
Ce roman et sa mise en page nous poussent à un questionnement philosophique pour le moins original. À partir d’une légende algonquienne dont elle s’empare avec brio, l’autrice nous entraîne dans le monde de Diane, nous en enveloppe et nous transforme avec elle.
Énorme coup de coeur pour le fond, la forme et le style de ce livre extraordinaire !
Aurélie.
Le lièvre d’Amérique ou Pourquoi la nuit fut courte.
C’était juste une page ou deux, avant de dormir, parce que j’étais trop curieuse.
La nuit était déjà sacrément avancée, c’était pas « raisonnable » d’en lire plus, mais c’était pas possible d’attendre.
Je ne me suis pas vue tourner la troisième page ni la quatrième ni les suivantes.
Il y a un truc avec les écritures canadiennes, non ? Ça ne peut pas tenir qu’aux forêts ? Si ?
Quand elles sont francophones, souvent la gouaille me réjouit.
Quand elles sont anglophones, … je réfléchis en même temps que j’écris… quand elles sont anglophones, souvent ce sont les paysages dans le creux des hommes, les monts et les vaux qui les rident, qui me baladent.
Le lièvre d’Amérique est francophone.
La gouaille n’y est pas essentiellement truculente, il y a bien trois quatre façons de dire le ciel, de dire les eaux du fleuve, qui font pouf !, il y a surtout que les mots se déroulent tout seuls.
Il y a ce découpage dans les chapitres, ce découpage dans la narration, et l’écriture qui va avec. Qui dit avec.
Et ça fait une valse à trois temps et demi. Tip, tap, top, tup, tip, tap, top, tup.
Elle sait y faire Mireille Gagné. Elle est romancière-nouvelliste-poète, elle n’en est pas à son galop d’essai. On sent l’aisance du mot, du rythme.
Le lièvre d’Amérique, c’est une fable.
Ce serait un peu le lièvre qui aurait besoin de se prendre pour une tortue.
Sauvage, la tortue.
Bon, c’est un peu tiré par les cheveux mon truc. Un peu erroné. Parce que le lièvre ne serait pas celui qu’on pense.
Néanmoins, du lièvre et de la tortue,
je te laisse voir pourquoi.
Un lièvre qui aurait juste besoin d’être lièvre.
D’être.
Et aussi je te dis le plaisir du livre, de l’objet. Le papier. Le toucher. Ça compte aussi, hein. C’est terriblement agréable au toucher un papier comme celui-là. Avec un texte où les sens s’aiguisent, ça tombe bien.
Bref, c’était chouette !
Gaëlle.
Partir d’un bond dans une histoire, se laisser aller à un imaginaire, s’enivrer jusqu’au dernier mot de cette potion littéraire, voici Le lièvre d’Amérique de Mireille Gagné.
J’ai l’émotion vive à t’écrire les ressentis sur ce livre qui porte à la fois la beauté et le désarroi de notre monde.
Diane, sorte de Diane chasseresse de cette onirique Isle-aux-Grues, vit sa vie de jeune adolescente, à respirer le fleuve et à connaître, un jour, ce garçon roux à l’instinct sauvage. Quelques années passent, quelque écoulement du temps, et tu retrouves cette même Diane, humaine oubliée dans le monde des bureaux et de la rentabilité excessive. Fin des ponctuations, fin de la respiration, Diane étouffe et nous avec.
Entre ces deux périodes, une Diane sortant d’une opération, se transforme, s’impose, s’échappe. Une toison obscure apparaît alors parfois, ici et là, à la fois refuge et appel.
Sûrement le meilleur livre à lire en ce moment , un bijou inspiré d’une légende algonquienne qui m’a donné le frisson de cette émotion première, la plus vraie.
Mon fils a ressenti la vibration étrange qui émane de sa mère lorsque celle-ci a un livre tatoué au cœur et à l’esprit. « Il porte le feu » m’a-t-il dit en le regardant longuement. Je lui ai alors raconté la puissance des mots qui se transmettent, se chuchotent d’une oreille à l’autre. Puis nous nous sommes serrés fort dans les bras.
L’important est le mouvement des choses de la vie et Mireille Gagné te transmet cela dans cette expérience littéraire absolue.
Le lièvre d’Amérique bondira vers toi, c’est, je crois, plus que nécessaire, pour t’emporter loin, en bordure d’un fleuve gigantesque où l’on entend si fort et si loin le son de la nature vibrante.
Diane chasseresse, Diane lune, Diane des enfers (« …c’est les autres »…vraiment ?), trois regards d’une même femme. Le lièvre d’Amérique, lui, incarne, au sein de la cosmologie algonquienne, la vie, et ses diverses personnalités correspondent aux différentes étapes du cycle de la vie.
Les références sont multiples, un foisonnement, mais ce qui va te remplir est unique et immense car Mireille Gagné est une ensorceleuse des mots, une poétesse de l’aventure de vie.
Dans Le lièvre d’Amérique, tu vas marcher sur des terres inconnues qui, pourtant, te paraîtront familières, tu vas faire corps avec le vent, la terre, les arbres, tu vas t’éloigner de ce qui te dévore pour connaître l’infiniment beau.
Voici une histoire à la puissance infinie qui te donnera sûrement envie de l’essentiel, afin de le laisser vivre en toi comme jamais.
Coup au ❤️ bondissant.
Fanny.
Le lièvre d’Amérique, Mireille Gagné, La Peuplade, 160 p., 18 €