Ce que je ne veux pas savoir, Deborah Levy (éd. du sous-sol) – Fanny
« (…) l’Afrique m’était déjà revenue quand je sanglotais sur les escalators de Londres. Si je croyais que je ne pensais pas au passé, le passé, lui, pensait à moi. Je me dis que ça devait être vrai car l’épicier chinois, dont le père était sidérurgiste, m’avait dit que les escalators, ou « escaliers roulants », dont le brevet avait été déposé en 1859 par Nathan Ames dans le Massachusetts avant qu’ils ne soient redessinés par l’ingénieur Jesse W. Reno, furent d’abord présentés au monde moderne comme une « bande de transport infini. »
Ce que je ne veux pas savoir – Une réponse au » Pourquoi j’écris » de George Orwell de Deborah Levy, avec la traduction investie de Céline Leroy , est un petit bijou littéraire, est-ce à dire un petit livre, qu’on étreint avant de le poser avec bienveillance dans sa bibliothèque, car un peu de Deborah Levy fait toujours du bien dans une vie.
Sa littérature c’est de l’intime dans l’universel, c’est du féminin dans le genre commun, cela dit le « soi », l’oiseau parfois en cage, les choix d’une existence. Les larmes aux yeux, j’y ai lu ses souvenirs d’ Afrique du Sud, l’emprisonnement du père, la recherche d’un sens qui n’est jamais unique, les émotions qui transpercent, le chemin que l’on veut prendre sans savoir vraiment comment faire.
Son style est net, sincère, avec ces phrases qui ondulent jusqu’à notre Être pour devenir des épopées gracieuses, des recherches sur ce moi profond, sur sa nécessité d’écrire, sans fioriture ni excès. Deborah Levy ne cherche pas à éblouir, elle « est », cherchant le vrai dans ces paraboles entre la fuite à Majorque et le départ précipité d’Afrique du Sud. C’est palpitant, c’est sans esbroufe.
Ce petit livre bleu est un cadeau à transmettre, de celui qui parle au cœur pour te dire bien des choses, avec beaucoup de clarté, de douceur, d’humanité. Les petites scènes écrites avec minutie par l’auteure, disent le monde et son basculement, à la fois sa beauté et sa rigidité, sa poésie et sa violence. C’est simplement passionnant à lire !
Coup au ouvert.
Fanny.
Ce que je ne veux pas savoir, Deborah Levy, Editions du Sous-Sol, 135 p. , 16€50.
Chavirer, Lola Lafon (Actes Sud) – Aurélie
À peine entrées dans l’adolescence, Cléo et Betty sont entraînées dans un monde qui les dépasse. Chacune de leur côté, elles croient en leur avenir dans la discipline qui les passionne. Elles travaillent énormément et ne reculeront devant rien pour obtenir la chance de continuer à pratiquer la danse dans les meilleures conditions possibles afin d’atteindre le sommet. Tout est simplement question de travail et de maturité.
La honte, la culpabilité, une grande solitude vont pourtant bien vite effacer leurs rêves de jeunes filles. La mystérieuse fondation Galatée par laquelle elles ont été repérées semble abriter des pratiques peu conventionnelles et sème le trouble parmi les adolescentes pressenties pour obtenir une bourse.
Des années 80 à nos jours, des personnes qui partagent leur vie (surtout celle de Cléo) vont tâtonner autour du mystère qui les entoure. Restant finalement toujours un peu à distance de ces femmes habitées par un silence tellement épais qu’il en paraît solide, constituant une barrière infranchissable autour d’elles pour tous ceux qui voudraient s’approcher d’un peu trop près.
Mais en 35 ans la société a évolué et si Cléo et Betty ont pansé leurs plaies et tracé un chemin bien à elles dans leurs vies professionnelles et personnelles, les choses frémissent, la parole est en passe d’être libérée…
Un nouveau grand roman pour Lola Lafon qui n’a de cesse de nous proposer des personnages féminins qui mêlent toujours une immense détermination à une grande fragilité.
Aurélie.
Chavirer, Lola Lafon, Actes Sud, 344 p. , 20€50.