« Tant que les êtres veulent se posséder les uns les autres, nous en resterons là ». Il est intense et puissant ce roman choral de Marie-Ève Thuot.
Des histoires d’hommes, de femmes, de liens, de choix, d’existences, comme une pluie de confettis pour célébrer la diversité de nos esprits et de nos corps.
Au départ de ce roman, il y a trois frères, Xavier, Louis et Zack, ils représentent comme l’épicentre des histoires qui s’en viennent vers vous. Ils sont charismatiques, deux le savent, un autre, Xavier, ne se pose plus la question du sexe ou de l’amour, cela fait bien longtemps qu’il s’est barricadé en ses émotions. Puis un soir, débarque au comptoir de « Chez Hélie », l’intrigante Cléopâtre, Oscara, Fanny, etc… car la dame est multiple, bouleverse les codes et provoque chez Xavier un déclic, cette petite chose qui remet en route la pompe à vie sans qu’il sache lui-même comment reprendre ce chemin de la découverte, de la confiance et du désir.
Ces trois hommes nous dévoilent les portraits de femmes puissantes le long d’un récit nous projetant de 1899 à 2027, c’est donc une véritable odyssée. C’est aussi un moment où l’on ne peut perdre le fil, pris dans le ramage littéraire de l’auteure québécoise, prenant un réel plaisir à valser avec ses personnages aux facettes multiples.La trajectoire des confettis est comme une grande famille où tu tisses un lien et connais les secrets des un(e)s et des autres… et quels secrets ! Les personnages s’aiment, se désirent, s’enfouissent l’un dans l’autre, bien loin du beau cliché du conte de fée, chacune et chacun créant son mythe personnel, familial, érotique, amoureux.
Marie-Ève Thuot nous dit à travers eux, la liberté d’être dans le chaos de nos vies, l’exploration des rêves et des sens, faisant fi des normes politico-sociales. C’est à la fois dangereux et courageux, complètement fou ou radicalement étrange, peu importe, cela remue, tu ressens l’éclatement des barrières et des genres, entre mère et petite-fille, entre tante et neveu, entre beau-père et beau-fils, les générations vivent leur petite révolution, parfois même leur mutation.
Et durant ce temps d’exploration sensuelle, sexuelle, corporelle, historique, artistique, Marie-Ève Thuot te laisse, ça et là, quelques citations bien arrosées de misogynie provenant de ce que l’on avait l’habitude de nommer « les grands hommes », comme Freud, Schopenhauer, Rousseau et j’en passe, histoire de te donner envie de griffer, car les « Confettis » te font passer par toutes sortes de couleurs.
« L’utilisation de deux mots, « nymphomanie » et »satyriasis », pour décrire un même phénomène, témoigne des différences séparant les perceptions des sexualités masculine et féminine. Si Zack ne se gêna jamais pour se vanter de ses conquêtes, c’est sans doute ce clivage, présent dans les mœurs comme dans les mots, qui poussa Violaine à confier ses problèmes de réputation à un psychologue, et Charlie, à user de discrétion pendant son adolescence. »
L’exploration du monde en soi est à la fois immense et formidable au sein de cette fresque magnétique qu’est La trajectoire des confettis. Il y a des questionnements qui surgissent, des vérités qui apparaissent, des mensonges qui se taisent, des couples qui se forment, du sexe qui se vit ou se rêve, de la folie douce, des générations qui se croisent, s’enlacent comme des notes sur une partition virevoltante.
La trajectoire des confettis est un mouvement aléatoire de destins bariolés formant un Grand Tout, vivace et happant. Marie-Ève Thuot rend un rythme soutenu à cet ensemble de six-cent-vingt pages, c’est pour dire son talent à faire palpiter son monde. J’en suis ressortie ébouriffée car c’est un livre qui se vit, littéralement.
Alors voyez grand, voyez large et lisez cette incroyable « Trajectoire » !
Coup au culotté !
Fanny.
La trajectoire des confettis, Marie-Eve Thuot, éditions du sous-sol, 619 p. , 22€90.