La mauvaise nouvelle, c’est que je l’ai fini (et pourtant j’ai fait tout ce que j’ai pu pour faire durer, mais 180 pages agréables à lire, vraiment agréables à lire, que veux-tu, ça ne s’étire pas sur 15 000 nuits).
La bonne nouvelle, c’est que, regarde bien, c’est écrit : 1. Adieu béton.
Tu la vois venir ma grosse perspicacité ?
Qui dit 1., dit 2., t’es bien d’accord ?
Eh ben vivement ! Parce qu’un brin de lecture pareille, par les temps qui courent, fichtre que ça fait du bien !
C’est l’histoire d’une famille gréco-banlieusarde de 6, trois générations confondues (3 enfants, 2 parents, 1 pépé), qui doit s’installer au trou du cul du monde suite à une légère mésaventure incendiaire suite à un pipi furtif, malencontreux mais fatal.
Le pépé pourrait sortir des Vieux Fourneaux. Le papa pourrait être Roberto Moretti ou Nani Benigni mais en grec (tu vois quoi ?). La maman psychologue « pas super enthousiaste pour les blagues à caractère sexuel ». Le petit frère tout choupi « Sélé, che crois que la journée est réveillée », le grand frère est un ado « Tu, heu… vous avez pécho Pépé ? ». Et Sélé qui raconte.
Le trou du cul du monde est très beau :
« En fait, c’était une sorte de ferme avec des gros murs en pierre, mais stylée, avec des énormes fenêtres pleines de petits carreaux trop mignons et des moulures un peu partout. Le lierre lui faisait comme une grosse barbe verte et le jardin, une perruque infinie. Il y avait un troupeau de buissons qui prenaient des formes assez flippantes dans la presque nuit, alors je suis vite rentrée. »
Mais ouf, « les buis qui faisaient flipper hier soir n’étaient finalement que des gentils mignons buissons, redevenus sauvages mais pas féroces du tout ».
Et le temps fait de l’élastique :
« Le temps s’était solidifié dans la lumière jaune, comme si on s’était fait engloutir dans une goutte de résine du micocoulier ».
Et zut, il y avait un autre paragraphe que je voulais te rapporter, avec des « gouttelettes de minutes », mais je ne le retrouve plus. C’est ballot, je vais devoir le relire.
Y a plein de mots agréables à lire, des proverbes foutraques, un coin du monde où il a l’air de faire bon vivre, avec une grotte préhistoc, une voisine sorciérobotanistomanouche et une villageoise pestouille.
Et Dakota.
Y a pas que ça bien sûr. Y a la vie qui va comme elle peut, les gros traumas et les petites catas. Y a la société-de-nos jours et ses turpitudes dont on s’accommode comme on peut, qu’on contourne ou qu’on détourne comme on peut.
J’ai vachement aimé parce que tout le monde et chacun est bien croqué. C’est un fin observateur je crois, le Nicolet. Et j’aime beaucoup la gouaille avec laquelle il restitue tout ça. C’est frais, c’est tendre, c’est malin, c’est joyeux.
Ah, et aussi : « Maman m’a caressé les cheveux dans son sommeil. Papa ronflait comme la deuche de la Claude. Je ne sais pas pourquoi tout le monde dit que c’est insupportable, moi je trouve que c’est le bruit le plus paisible du monde, et peut-être même de l’univers. » ET JE SUIS BIEN HEUREUSE de lire ça. Parce que je suis bien d’accord, il y a des petits ronflements qui sont de véritables petites réjouissances. (hashtague jemesensmoinsseule)
Askip c’est pour jeune ado, mais franchement rinàbat’, javoujégravekiffé.
Gaëlle.
Ma tribu pieds nus, 1. Adieu béton !, Stéphane Nicolet, Casterman, 192 p., 9,90 €