Sam débarque à Saint-Airy un peu comme un cheveu sur la soupe. Dans cette petite ville de 2500 habitants qui dépérit entre vieilles maisons abandonnées et bétonnage inutile à outrance, on aime bien être entre soi et on voit d’un mauvais oeil l’arrivée de cet être étrange dont personne n’arrive à identifier le genre.
On se bidonne pas mal au départ : Sam est le parfait pigeon à qui refiler la Maison du Disparu. Ses projets de théâtre ne risquent pas d’aboutir et en attendant on tient là un excellent nouveau sujet de ragots. On en a vu passer d’autres des illuminés…
Oui mais voilà, derrière ses airs chétifs, Sam cache un passé mystérieux, un sacré niveau dans les arts du combat et une volonté de fer. On se dit très vite que depuis qu’iel est là, les catastrophes s’accumulent étrangement…
Sam va agir comme une sorte de révélateur. Derrière les façades ternes de Saint-Airy, les notables vont laisser transparaître leur vices, les femmes tenter de reprendre en main leur existence et les rêves mégalos du maire trouver enfin une opposition.
Il m’a bien fallu deux longues nuits d’insomnie pour arriver à bout de ce roman dense et délicieux. Comme pour son personnage principal, il ne faut pas essayer d’accoler un genre au texte. Entre comédie rurale, roman noir, réflexion sociologique et politique profonde, l’auteur construit pierre après pierre et avec l’exigence littéraire qu’on lui connaît la plus belle pièce de son Oeuvre (j’ose l’affirmer, j’ai lu tous ses livres).
Encore plus que dans ses précédents romans, j’ai eu grand plaisir à admirer son choix méticuleux des mots, la façon qu’il a, l’air de rien, d’enrichir notre culture, son regard sur des personnages abîmés par la vie. Il les accompagne avec sagesse, les porte avec toute la bienveillance et l’humour possibles mais sa plume ne leur épargne rien quand il s’agit de faire face à leurs erreurs.
Ce travail d’orfèvre mérite vraiment des heures de lecture passionnée et un accueil VIB (Very Important Book) en ce début de printemps.
Aurélie.
Indésirable, Erwan Lahrer, Quidam, 335 p. , 22€.