C’est peu dire que l’on avait un train de retard pour celle-ci. Initialement publiée en 2014, cette excellente BD de Florent Chavouet a été rééditée en 2020, toujours chez Philippe Picquier.
Fasciné par le Japon et sa culture, le jeune auteur a publié son premier ouvrage, Tokyo Sanpo, à l’âge de 29 ans, suivi par Manabe Shima en 2010 et ces Petites coupures à Shioguni auxquelles on s’intéresse aujourd’hui.
« Kenji avait emprunté de l’argent à des gens qui n’étaient pas une banque pour ouvrir un restaurant qui n’avait pas de clients. Forcément, quand les prêteurs sont revenus, c’était pas pour goûter les plats. »
Ces quelques phrases et le dessin qui les illustre résument parfaitement ce que l’on va trouver dans les 180 pages de cette petite merveille de noir dessiné, à savoir un récit à l’humour omniprésent servi par un dessin incroyable, riche en détails et en couleurs, impressionnant de virtuosité.
Si Petites coupures à Shioguni se présente au premier abord comme une enquête, il semble vite évident que, par ses choix narratifs et son étrange chronologie, Florent Chavouet s’amuse avec son lecteur comme avec ses personnages. Parsemée de témoignages des différents protagonistes qui apportent tour à tour leur propre éclairage sur les événements de cette nuit agitée, l’histoire qui se dessine au fil des pages prend peu à peu une tournure bien différente de celle que l’on imaginait.
Tandis qu’un tigre rôde dans les rues de la ville, flics et petits délinquants vont se croiser tout au long de la nuit, semant violence et confusion dans leur sillage, sur les traces d’une jeune fille voleuse de blousons …
Polar complètement atypique, aussi drôle que dépaysant, Petites coupures à Shioguni est un vrai bonheur visuel et l’on se prend à revenir sur ses cases pour le seul plaisir des yeux, à la recherche d’un détail oublié ou simplement pour admirer la précision du travail de Florent Chavouet. Peuplée de personnages loufoques au service d’une intrigue tout aussi farfelue, l’histoire suit son cours comme elle le peut, bousculant la chronologie sans vergogne, dépendante des fantaisies de son auteur. Si le mot jubilatoire nous semble souvent utilisé à tort et à travers pour qualifier un bon livre, il ne fait aucun doute qu’il colle à merveille à ce petit bijou.
Afin de découvrir l’univers riche et coloré de Florent Chavouet, une petite visite sur son blog semble s’imposer. C’est ici.
Yann.
Petites coupures à Shioguni, Florent Chavouet, Philippe Picquier, 184 p. , 19€.