Il y avait les excellents Miniaturiste et Les filles au lion, voici le tout aussi intense Les secrets de ma mère de Jessie Burton, traduit par la talentueuse Laura Derajinski. Voici une auteure anglaise qui confirme son talent époustouflant.
Les secrets de ma mère, ou The confession, est un roman qui te raconte sublimement la passion amoureuse, les femmes, les choix inévitables, la filiation, la maternité, l’idée de la liberté, le poids des secrets, la trahison et l’exploration de qui nous sommes.
Jessie Burton y travaille à merveille son ambiance londonienne, entre les années quatre-vingt et l’année 2017. Tu sens ton cœur palpitant au fur et à mesure des pages, tu mets en forme les personnages, t’y attaches avec force.
Durant l’hiver 1980, Elise rencontre Constance / Connie, c’est le coup de foudre. La première t’apparaît belle comme le jour, modèle pour l’École des Beaux-Arts de Londres, se laissant pousser par le vent du destin. La seconde est une auteure reconnue qui ambitionne son avenir.
Puis tu feras connaissance, trente ans plus tard, de Rose, « l’enfant de ».
Jessie Burton y alterne les deux époques, les trois regards, les trois quêtes, les trois mystères. Avec un sens exquis de l’ambiance et du détail, l’écrivaine t’enveloppe au sein d’une atmosphère, te donne les fils nécessaires pour actionner les personnages et te donner à voir juste ce qu’il faut, de quoi, à chaque instant, te tenir en haleine et en émotion.
Par le prisme de ses trois grands personnages féminins, Jessie Burton joue avec le réel et le fictif, c’est un roman qui abandonne petit à petit ses peaux pour y révéler la vérité sous la chair tendre des années, celle qui palpite, celle détenant l’origine de leur monde.
Rose est l’enfant aimée mais abandonnée, elle est celle qui veut à la fois nouer et dénouer le lien, prenant ainsi le pseudonyme de « Laure Brown », l’armure au parfum à la fois si commun et si extraordinaire, pour parvenir à conquérir l’antre de Constance Holden. Connie, elle, est celle qui garde la barre, sûre de ses succès littéraires, représentant la femme forte en prise avec le temps qui passe.
Burton parle aussi du corps, de ces muscles qui se tendent puis se délitent, de la peau lisse puis de celle qui se creuse pour laisser passer le flot de la vie, des rires et des larmes, de la main qui crayonne un modèle à celle qui n’arrive plus à tenir son stylo, du ventre qui ne peut porter un enfant à celui qui enfante, de cette carcasse connaissant trahison, abandon, amour étincelant. Choisir une voie c’est donc renoncer à une autre, et vivre avec, joies et peines mêlées.
Jessie Burton structure son roman, ne laisse rien au hasard. Mère, fille, amante se raccrochent à leurs histoires, les pierres ricochent dans les mêmes eaux.
Entre Londres et la Cité des Anges, les princesses veulent parfois vivre un rêve qui n’existe pas et y laissent ce qui leur reste d’innocence, écorchées.
Les secrets de ma mère est ce roman brûlant et épatant, qui pique et enlace, faisant la part belle aux failles et aux forces.
Coup au ❤️ tenace.
Fanny.
Les secrets de ma mère, Jesse Burton, Gallimard, 503 p. , 23€.