C’est un récit, celui d’un homme, romancier, réalisateur et journaliste, éblouit par la force de vie d’une femme, résistante, engagée, passionnée.
Ce n’est pas un récit froid, racontant sans attachement des faits et des situations. J’y ai ressenti une histoire d’amitié, « universellement personnelle », quelque chose qui raconte l’essentiel d’une vie, dans un élan, sans pathos, précise, joyeuse et parfois implacable. Parce qu’il ne peut en être autrement.
Tout d’abord, c’est ce regard qui m’a happé, celui de Denise Jacob, sœur de Simone, Milou et Jean, fille d’Yvonne Steinmetz et d’André Jacob. C’est le destin d’une famille unie, tournée vers les Autres, parcourant autant de différents paysages que de nombreux ouvrages, portant haut et fort les idéaux d’humanité, d’entraide et de résistance.
Miarka est un livre de vie qui n’encense pas son sujet mais rend magnifiquement hommage à une femme discrète, éprise de liberté et d’espérance. Durant ce récit, ici et là Antoine de Meaux y pose des poèmes car Miarka « totem tiré d’un conte oublié de Jean Richepin, « Miarka, la fille à l’ourse », qui met en scène une petite bohémienne », respirait l’air comme les mots, en écrivant elle-même, mémorisant des poèmes par dizaines, afin de retenir la beauté et la grâce, les rimes, les vers et la prose comme un enrichissement intérieur venant nourrir ses longues nuits glaçantes.
Antoine de Meaux remet la femme au cœur de l’Histoire, Denise / Miarka était une résistance farouche mais surtout une jeune fille d’une résilience incroyable. Narrant ce destin, l’auteur y convoque à la fois des extraits de témoignages de Charlotte Delbo, Margarete Buber-Neumann, Germaine Tillion, Violette Maurice, Simone Veil mais aussi « L’héritage nu » d’Appelfeld, les poèmes d’Albert Samain, Pierre Louÿs, Victor Hugo, Verlaine, Baudelaire.
Miarka est cette jeunesse enfermée qui résiste contre la barbarie et pour l’espoir. J’ai été estomaquée par leur courage, leur force, leurs châteaux de sable face aux forteresses de haine. L’auteur rend avec vivacité l’esprit d’une époque, d’un souffle.
Ce fut aussi fort émouvant de lire la reconstruction des trois sœurs, seules survivantes, par leurs correspondances. Des tentatives, des silences, des phrases écourtées, de l’amour assuré, des refus, des envolées. J’y ai lu qu’il était dur de rassembler les morceaux de vies brûlées au camp de concentration de Ravensbrück pour Denise et au camp d’extermination d’Auschwitz pour Simone, Milou et Yvonne. Antoine de Meaux écrit l’humain, les regards différents, la fragilité, le fil ténu des douleurs et des résiliences.
« Sur 65 000 résistants déportés de France, 60% sont revenus. Sur 76 000 juifs déportés de France, 3% sont revenus… »
Entre la manière encyclopédique et la manière sensible, il faut savoir s’exprimer, ne pas heurter, mettre de soi dans l’histoire. C’est ce qu’Antoine de Meaux a réalisé, brillamment, intensément.
« (…) La terre et moi / La terre tourne je le sais / Je respire, je la sens / Volonté, ne rien vouloir : / Admirer et aimer / Tout et rien / Splendeur de vivre / Quand on sait qu’on pourra mourir / Nous sommes deux, nous ne sommes qu’un, je ne sais plus. »
– Miarka –
Coup de vif.
Fanny.
Miarka, Antoine de Meaux, 252 p. , 18€.