Certains bouquins, sans qu’on sache réellement pourquoi, semblent nous faire de l’oeil plus que les autres, tentent de sortir du lot avant même d’avoir été lus et grillent la place à la concurrence qui attendait son tour depuis un certain temps. C’est ce qui m’est arrivé avec ce second roman de la Québecoise Maureen Martineau à paraître chez L’Aube Noire (après Le Silence des bois en 2021), Une Église pour les oiseaux, 180 pages au compteur et un résumé plutôt prometteur.
« Réfugiés dans le clocher de l’église, des martinets ramoneurs cherchent désespérément à migrer vers l’Amérique centrale. Ham-Sud, petit village de l’Estrie, est en proie à une contamination grave qui frappe les bêtes et les êtres humains. Loin de se douter qu’on l’a prise pour cible, la mairesse, dépassée par la catastrophe, mène l’enquête. Au fond de sa cellule, la jeune escorte Jessica Acteau tente de mettre des mots sur l’horreur des dernières vingt-quatre heures. Quelle part a-t-elle véritablement jouée dans le meurtre sordide dont on l’accuse ? Pourquoi s’être acharnée sur l’un de ses clients avec une telle sauvagerie? En le kidnappant, sait-elle qu’elle l’a empêché de commettre un crime à son tour ? Sa voix frêle se mêle à celle des oiseaux et révèle peu à peu l’immonde vérité. »
Après un premier chapitre dont le cadre et l’ambiance séduisent par leur noirceur et leur originalité, appuyés ensuite par ce parler québécois que l’on aime tant, le lecteur se prend à espérer un nouveau Bondrée, ce chef d’oeuvre d’Andrée Michaud (Rivages Noir 2016) qui marqua les esprits à sa parution. Autant le dire tout de suite, le lecteur se trompe … Car Maureen Martineau, si elle ne manque pas d’idées intéressantes, semble avoir du mal à choisir celle qui viendra poser les fondations de son récit.
En effet, dès le second chapitre et l’apparition de Roxanne Pépin, la mairesse de Ham-Sud, plusieurs portes s’ouvrent vers d’autres horizons, politiques ou familiaux, éléments certes exploitables mais qui, au fil des pages, semblent délayer l’intrigue plutôt que la renforcer. Pour dire les choses autrement, Maureen Martineau, à trop vouloir bien faire, perd de vue le fil conducteur de son histoire, s’égare dans des à-côtés dont la pertinence reste à prouver, au risque d’évacuer en quelques pages ce qui constituait la base du roman.
Malheureusement, ce reproche sur le fond peut également s’appliquer à la forme que lui donne son autrice : démarrant comme un rural noir plutôt glauque (aspect le plus réussi du livre selon moi), Une Église pour les oiseaux prend ensuite la tournure d’un thriller politique puis verse dans le grand-guignol lorsqu’il s’agit de faire disparaître un cadavre encombrant …
Grosse déception, donc, ce roman, à travers lequel Maureen Martineau souhaitait, entre autres, dénoncer les collisions politico-industrielles de son pays et les catastrophes environnementales qui en résultent, ce roman loupe son but et donne une sensation d’inachevé, l’impression de finir au talus sans avoir eu le temps de convaincre.
Yann.
Une Église pour les oiseaux, Maureen Martineau, L’aube Noire, 184 p. , 17€.