Plus de 800 pages, cela m’a presque paru trop court tant je me sentais membre de cette grande et belle famille. Si je vous dis que je suis fan de Zola et plus particulièrement de Germinal depuis mon adolescence, vous comprendrez certainement en découvrant ce livre pourquoi je me suis sentie chez moi dès les 1ers chapitres.
Aino est bien sûr une grande héroïne mais c’est loin d’être la seule dans ce texte au souffle romanesque rare. Quel bonheur de traverser l’Atlantique avec ces Finlandais endurcis, les voir s’installer sur cette terre aux mille promesses mais cruelle à bien des égards.
J’ai appris énormément sur les luttes sociales de l’époque, sur les conditions de vie de ces travailleurs qui pensaient mettre un pied au paradis et se trouvaient pourtant usés jusqu’à la corde une fois la quarantaine atteinte s’ils n’avaient pas eu un accident du travail avant.
La famille, l’amour, l’honneur, l’entraide sont des valeurs qui nous tiennent tous à coeur mais elles prennent entre ces pages une dimension noble et particulièrement importante pour traverser des décennies où la liberté des Américains étaient à consolider sur des bases fragiles.
Traversez une bonne partie du XXe siècle avec les membres de cette famille inscrite au plus profond de son époque, prête à relever tous les défis pour sortir de sa condition et réaliser le rêve américain.
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Suzy Borello.
Aurélie.
Ils seront sans aucun doute peu nombreux cette année les livres de cet acabit, emplis d’un tel souffle et du fracas de l’Histoire en marche … Projet ambitieux et maîtrisé d’un bout à l’autre, ce roman fleuve, véritable saga familiale et historique, emporte le lecteur sans faiblir tout au long de ses 800 pages. On aura ici plusieurs raisons de s’enthousiasmer. Le contexte, d’abord, historique et social, est parfaitement campé, jusque dans les méthodes et outils utilisés par les bûcherons des premières grandes compagnies de ce début de XXème siècle. Les luttes des ouvriers et la formation des premiers syndicats, véritable coeur du récit, prennent vie sous nos yeux et l’on ne peut qu’imaginer le travail de documentation qui a rendu possibles de telles pages. L’autre force du roman réside dans la capacité de Marlantes de donner corps à des personnages éminemment attachants, incroyablement vivants, au premier rang desquels, bien sûr, Aino, inépuisable révoltée, qui fera souvent passer l’intérêt collectif avant son propre bonheur. Mais Aino ne serait rien sans ces hommes, ces femmes et ces enfants qui l’entourent, la côtoient ou la combattent, tous dotés d’une réelle épaisseur, tous parfaitement crédibles.
Au-delà de cet art consommé du récit, Faire bientôt éclater la terre a également le mérite de remettre en perspective la façon dont certains hommes ont très tôt cherché à exploiter sans limites les ressources naturelles dont on ne pensait sûrement pas à l’époque qu’elles pourraient venir à manquer. Le recul dont dispose le lecteur d’aujourd’hui, ajouté à l’historique du combat des ouvriers pour leurs droits les plus élémentaires, finit par dresser une sorte de résumé du capitalisme effréné qui mène le monde depuis cette époque. Là ne résidait sans doute pas l’intention première de l’auteur mais c’est cette dimension qui achève de donner au roman toute son envergure. L’humanité qui en imprègne les pages finira de convaincre les plus réticents.
Yann.
Faire bientôt éclater la terre, Karl Marlantes, Calmann-Lévy, 608 p. , 24€50.
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