L’envie de partage et la curiosité sont à l’origine de ce blog. Garder les yeux ouverts sur l’actualité littéraire sans courir en permanence après les nouveautés. S’autoriser les chemins de traverse et les pas de côté, parler surtout de livres, donc, mais ne pas s’interdire d’autres horizons. Bref, se jeter à l’eau ou se remettre en selle et voir ce qui advient. Aire(s) Libre(s), ça commence ici.
Les Abattus suivi de Une Petite Société, Noëlle Renaude (Rivages / Noir) – Laulo
Les Abattus suivi de Une Petite Société, Noëlle Renaude (Rivages / Noir) – Laulo

Les Abattus suivi de Une Petite Société, Noëlle Renaude (Rivages / Noir) – Laulo

Avant de vous parler d’Une petite société, retour sur Les abattus de Noëlle Renaude.

C’est un roman très différent de ce qu’on a pu lire ailleurs. C’est un roman que j’ai eu la joie de voir remporter feu le Prix des Chroniqueurs de Toulouse Polars du Sud mais qu’hélas je n’ai pas pu remettre en main propre à l’autrice car c’était compliqué, en 2020…

Je souhaitais vous en reparler cette année alors que le nouveau roman de l’autrice vient de paraître, toujours chez Rivages.

Les Abattus est très très loin d’être un roman « feel-good », on pourrait même le trouver déprimant.

Parce que le moins que l’on puisse dire c’est que c’est sombre, pas une once de bonheur dans ce roman mais ce n’est pas pour me déplaire.

Ce roman est constitué de trois parties dans lesquelles l’angle de vue change radicalement. La construction est inattendue et inédite.

Dans la première partie, un jeune homme, dont nous ne connaîtrons jamais le nom, ni même le prénom, ni ceux de ses deux frères ainés, raconte ce qui a été son enfance, entre un père absent, une mère qui sombre, deux frères qui le maltraitent puis, plus tard, le suicide de sa mère, sa petite sœur que doit élever seul son beau-père qui le rejette. Nous assistons, impuissants, à tous les drames, tous ses espoirs déçus, ses échecs. Mais il tient bon le bonhomme, malgré tout. Il finit même par se rapprocher de ce beau-père qui, au seuil de la retraite, démuni, n’a finalement plus que l’épaule du jeune homme pour se reposer.

L’écriture de cette première et grande partie du roman est également différente de ce que l’on peut lire habituellement. Elle donne une impression d’histoire saccadée avec des faits énoncés plus que des phrases longues et imagées. Mais ce style même trouve tout son sens dans la deuxième partie.

Dans la deuxième partie, le narrateur disparait, corps et âme, et laisse place aux protagonistes et personnages secondaires de la première partie, chacun leur tour, donnant l’impression au lecteur de mener l’enquête, rassemblant des indices. C’est très finement joué de la part de l’auteure et c’est en partie ce qui m’a définitivement séduite dans ce roman. Personne ne se soucie de la disparition du narrateur de la première partie sauf le lecteur finalement, parce qu’il est le seul à tout connaitre de sa vie.

La troisième partie est, quant à elle, digne de Usual suspects avec un assassin qu’on n’attendait pas et tout un tas de situations décrites dans la première partie qu’on aborde d’un œil nouveau.

C’est impressionnant de maîtrise, je suis restée assez bluffée.

Il est vrai que la première partie peut en décourager certains. Le style est particulier, on ne voit pas du tout où l’auteure veut en venir. Mais, croyez-moi, ça vaut la peine parce que ce texte a vraiment une construction très intelligemment pensée.

Voici que cette année, Noëlle Renaude nous convie dans sa Petite société. D’un côté, il y a Louise qui travaille dans le service comptable de l’usine de brioches dans le même bureau que Monsieur Mignon. Louise est malheureuse en ménage et, plutôt que de s’occuper de bien mener sa vie, elle préfère s’occuper de la vie des autres, jusqu’à l’obsession.

De l’autre il y a la « famille » Windsor qui habite la grande demeure en face du bureau de Louise. Pendant des années Louise va les observer, leur attribuant un statut au sein de cette famille étrange, se perdant en conjectures. Elle se plait à observer le « gros bébé » de « la rousse », le voir grandir. Se rend-elle compte que l’enfant est handicapé ?

Jusqu’au jour où ce « gros enfant à la tête bizarre » va « s’attaquer » à la fillette des voisins et où tout le quartier va s’agiter sous les lumières des gyrophares.

L’autrice place encore ici un enfant au cœur de son intrigue, un enfant différent, dans un monde qu’il ne comprend pas mais où ceux qui l’entourent et, parfois, souvent, l’observent semblent, eux, tout savoir. Préjugés, allégations, délires paranoïaques parfois, jalousie, peur de la différence, nous savons tous de quoi on parle mais l’avez-vous déjà vécu ? Noëlle Renaude, avec toujours son style saccadé qui ferait presque penser, parfois, à un script, nous trimballe dans ce roman, comme elle l’a fait avec le précédent.

Ceux qui ont aimé Les Abattus aimeront Une petite société. Les autres passeront à côté d’un texte au style unique, un texte construit avec brio.

Laulo.

Les Abattus, Noëlle Renaude, Rivages Noirs, format poche Février 2021, 442 pages, 9,70 euros.

Une Petite Société, Noëlle Renaude, Rivages Noirs, Septembre 2022, 352 pages, 21,90 euros.

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