Ce nouveau titre de Sonia Ristić convoque immédiatement l’art, entre musique, écriture et peinture. Trois tableaux pour évoquer trois thèmes : l’amour, l’écriture et la folie. Le concerto n°3 pour piano de Rachmaninov illustre la correspondance dans les années 70 entre Milena, scénariste habitant Belgrade, et Sam, un américain rencontré à Paris. La symphonie n°3 de Malher est la toile de fond du récit de Lily, une vieille femme malade, que Milena essaie de retranscrire. Et le concerto pour piano n°1 de Brahms éclaire les fragments écrits par Ana, à qui une personne inconnue à envoyer les lettres de Milena et Sam. Ces trois femmes expérimentent de manière différente les contours de l’amour, de la folie et de la création. Trois récits pour interroger les liens (au sens propre comme au sens figuré) qui nous portent ou nous empêchent. La réussite de ce texte tient à un tout cohérent, délicat et pourtant bouillonnant. Mais également à tous les non-dits qu’ils laissent. Que racontaient Sam dans ses lettres ? Pourquoi Ana les a-t-elle reçues pendant le confinement ? Qu’est devenue Lily ? Et tellement d’autres questions que je ne dévoilerai pas pour ne pas en dire trop sur l’intrigue. Autant de questions que de pistes d’écriture, comme différentes versions d’une même histoire. Un peu comme celles que se raconte Ana quand elle essaie de deviner ce qui est arrivé à Milena et Sam. L’écriture de l’autrice emporte son lectorat dans une balade réflexive au milieu de ces trois femmes tiraillées entre leur envie d’aimer passionnément et celle de rester indépendantes totalement. Un roman qui traverse quelques dizaines d’années, plusieurs continents pour questionner la même chose : comment concilier créativité et vie personnelle ? Comment ne pas se perdre dans les fictions qu’on se raconte ?
« Je pose des baumes de mots sur les douleurs, je me dilue dans les histoires, les couches d’écriture se superposent, je m’habille de ces palimpsestes ».
« On n’a toujours qu’une version de l’histoire, celle qui a été écrite, et on se débrouille, on fait avec tous les scénarios possibles qui se dessinent entre les lignes ».
« Tomber amoureux, tout comme écrire, c’est la possibilité de repartir de zéro, de se réinventer ».
Et la femme sur la photo magnifique de la couverture qui pourrait aussi bien être Milena qu’Ana.
Hélène.
Triptyque en ré mineur, Sonia Ristić, Intervalles, 272 p. , 19€.