Le titre du premier roman de Claire Baglin peut amener l’imaginaire très loin (d’attente, de repos, d’accouchement, de bain…) voire même jouer avec les sonorités pour que ton cerveau transforme le « en salle » à « en selle ». Mais je me demande si toutes celles et ceux qui sont passés par la case boulot en fast-food n’ont pas la même première image qui surgit : le service en salle, celui où tu nettoies tout et surtout beaucoup, où tu te fais bousculer, alpaguer, celui où tu n’as pas envie d’être. Une tonne de souvenirs est remontée de cette expérience d’un an il y a plus de 20 ans pour moi.
L’autrice, dans un récit distancié et tranchant, met en parallèle sa première expérience professionnelle, le fast-food donc, et ses souvenirs d’enfance rythmés par le boulot à l’usine de son père. Elle écrit une approche comparative pour mieux dire les corps abîmés, la cadence infernale, l’excès d’autorité de celleux qui commandent, le bruit, la saleté et le peu de considération que l’on fait de celleux (mal payés) qui permettent à d’autres de très bien gagner leur vie. Et les conséquences sur ta vie perso.
Ce texte est écrit avec une précision presque chirurgicale et sans pathos. Comme on décrit une situation pour en rendre compte sans vouloir influencer l’opinion de la personne en face. Ce parti pris un peu déroutant au début était probablement la meilleure manière de rendre compte de ce que le travail nous fait.
C’est étrange d’avoir eu envie de lire ce texte parce qu’il parle d’une expérience que j’ai vécue. Ce n’est pas ce que je recherche normalement. C’est comme si je voulais retrouver dans les mots d’une autre mes souvenirs de cette période. Je crois que mon corps se souviendra toujours de l’odeur impossible à enlever de ce fast-food (le « doux » mélange de la friture et de l’oignon). Mon lieu de travail était plus humain que celui du livre. Mais la pression de la venue du directeur était bien là, les études mises de côté aussi (parce qu’un service le midi plus un le soir laissent peu de place au reste).
Et la brosse à dent pour nettoyer les coins de la salle aura été ce qui m’a fait démissionner.
Hélène.
En salle, Claire Baglin, Éditions de Minuit, 160p. , 16€.