Les années passent et Sarbacane continue l’air de rien de constituer un catalogue BD qui n’a pas à rougir à côté des éditeurs « historiques » du genre, loin s’en faut. À preuve, cet album à quatre mains dont les auteurs, Nardella et Bizzarri s’étaient déjà fait remarquer il y a quelques années avec l’excellente Cité des trois Saints (Sarbacane 2018).
Le duo frappe encore très fort avec ce scénario noir à souhait signé Nardella que Bizzarri illustre avec une assurance impressionnante. Son dessin particulièrement sombre et charbonneux donne une vraie consistance à un scénario qui n’en manquait déjà pas, construit à cheval sur trois époques et riche en rebondissements.
L’album démarre dans une ferme isolée du sud de l’Italie. Trois hommes s’y retrouvent après avoir braqué un bureau de poste. Ils doivent partager leur butin puis partir chacun de son côté. Mais, avant qu’ils ne se séparent au petit matin, l’un d’eux, inspiré par un tableau trouvé sur place, va revenir sur l’histoire de l’ONPI et de celui que l’on nommait le peintre fou, quinze ans auparavant.
L’ONPI, immeuble squatté par des hommes et femmes en marge de la société, a été déclaré insalubre et les autorités, après plusieurs tentatives avortées, ont décidé de faire évacuer le bâtiment par la force. Parmi les personnes qui y résident se trouve Fausto, le peintre fou, qui n’a pas quitté son appartement depuis des années. Alors que l’immeuble est entouré par les forces de l’ordre, Fausto et ses voisins organisent la résistance, farouchement résolus à se battre jusqu’au bout. Durant le siège et la dernière nuit de l’ONPI, Fausto raconte son histoire à Cirù, jeune délinquant coincé chez lui. Aucun des deux ne le sait mais leurs destins sont étroitement imbriqués.
Solide et cohérent, le scénario de Nardella ne ménage pas ses effets et il est impossible de s’ennuyer à la lecture de cet album. L’état de siège auquel est soumis l’immeuble génère une tension à laquelle nul n’échappe et le lecteur se souviendra longtemps de ces hommes et femmes unis contre les forces de l’ordre et la société qu’elles représentent. Quelques portraits, quelques trajectoires individuelles prennent le dessus sur le récit collectif et il en résulte des personnages plus grands que nature malgré les revers infligés par une vie tout sauf enviable.
Sombre et malin jusque dans ses dernières cases, Les Assiégés s’offre sans trop de mal une place sur le podium des meilleurs BD lues cette année et incité à se (re)plonger dans La Cité des trois saints. À découvrir sans faute !
Yann.
Les Assiégés, Nardella / Bizzarri, Sarbacane, 124 p. , 24€.