Il existe des moments de lecture où l’on découvre un espace pour ressentir pleinement des choses essentielles. Désormais je sais que je continuerai de vieillir avec ce Roitelet, que j’irai m’y abreuver.
Jean-François Beauchemin nous dit le temps qui passe, nous transforme, comme une pierre s ‘érodant au gré des éléments, avec ce talent me faisant penser au regretté Christian Bobin.
Le monde intérieur des personnages de Jean-François Beauchemin est souvent riche, palpitant.
L’ auteur québécois sublime l’âme humaine, dans ce qu’elle a de plus essentiel, j’y perçois comme une idée de résistance, résistance à la bêtise, au consumérisme à tout crin, au jugement à l’emporte-pièce.
Au sein de ce roman, tu relis telle ou telle phrase, fermant les yeux, pour apprécier la beauté de cette humanité là.
Jean-François Beauchemin met ici en scène un narrateur vivant en pleine campagne. Souvent, il y retrouve son frère, atteint de schizophrénie. Atteint, l’atteindre, l’étreindre, les frères sont là.
Autour d’eux, une galerie de personnages discrets, épatants où le monde animal, végétal, est tout autant célébrer.
Les petits chapitres sont constitués comme de petites graines plantées sur le chemin de cette épopée intime, tirant son côté extra-ordinaire par la manière dont l’auteur nous livre, à chaque anecdote, un éblouissement.
« Mon frère est arrivé sur les entrefaites et s’est assis à nos côtés. » Pourquoi diable, s’est-il interrogé, observés-tu sans arrêt le ciel ? » Je n’avais rien d’intelligible à lui répondre, alors j’ai dit : » Je cherche une autre dimension au réel « . Alors il est devenu très pensif (…) J’ai senti que mon commentaire le laissait perplexe. Je l’ai vu plisser des yeux, scruter tout à coup ses souvenirs. Ensuite il a prononcé quelques mots qui comme souvent sont venus relativiser ma pensée. » Papa disait : » Quand Dieu a des puces, l’homme se gratte. » Autrement dit, il n’est pas rare que les mirages débordent dans la sphère du monde physique. Le réel, c’est parfois un truc très imaginaire. »
Le roitelet est donc ce petit oiseau hyperactif où se pose toujours cette tâche dorée au sommet du crâne, c’est aussi le titre donné à cet ouvrage voletant au-dessus de notre canopée, parcourant la vulnérabilité humaine, et qui, d’un battement d’ailes, donne la puissance absolue à une parole, un regard, un paysage.
Le Roitelet est un roman essentiel-lement vivant, te chuchotant que ce monde reste viable si tu gardes ton instinct, ta sensibilité à l’autre et à chaque élément t’entourant, si infime soit il.
Fanny
Le Roitelet, Jean-François Beauchemin, Québec-Amérique, 143 p. , 16€.
totalement d’accord