Hommage à Laurence Boissier.
Malgré ce titre terriblement d’actualité, tu as un livre non pas à emporter en manifestation – quoique – mais bel et bien en haute montagne, histoire de prendre de la hauteur et se faire du bien.
Car Histoire d’un soulèvement – paru en 2020 chez l’éditeur « art&fiction » – n’est pas un élan de révolte mais le fait de se soulever soi-même – plus vulgairement aussi: « se bouger les fesses » – transfigurer le monde, l’univers tant qu’à y être.
J’ai eu ce même plaisir à lire Histoire d’un soulèvement que celui d’arpenter la trilogie 1984 d’Eric Plamondon, est-ce à dire des personnages truculents, de petites histoires dans la grande – voir l’immense ici -, un humour décalé, des anecdotes passionnantes, une érudition délicieuse.
Histoire d’un soulèvement, c’est l’histoire de Laurence, le double de l’auteure – un peu, beaucoup, passionnément, peu importe – qui décide à cinquante-cinq ans de partir en groupe pour sa première ascension, neuf jours au gré des Alpes, du Carbonifère, du Permien, de la Pangée entourée par l’immense océan nommé Panthalassa, de l’impossible Trias, du Jurassique, du Crétacé, de Théthys sous la plaque africaine, du Paléogène.
Car oui, Hugh, leur guide – et bientôt le tien -, est un as en géobiologie, son espace-temps se situe dans les grandes largeurs de la création du monde.
Dans un premier temps, tu t’en amuses – pour ma part je suis aussi douée en géologie qu’en repassage… un désastre – puis, rapidement, tu trouves cela passionnant, émouvant, car Laurence Boissier te rend à ta petite place humaine dans la mouvance de l’univers.
« (…) À ce moment là, un profond sentiment d’évidence m’envahit, une certitude: je descends de Drops en ligne directe depuis le fond des âges. Je suis tellement émue que j’en claque des dents. tout se met en place d’un seul coup, les écailles qui deviennent des poils, les pattes qui deviennent des bras, les œufs durs qui deviennent des sacs amniotiques, le lait maternel qui m’a nourrie. Longtemps, je veille les restes de Drops, cette inventrice de génie, cette voyageuse des profondeurs qui, pendant des millions d’années, a exploré l’intérieur de la terre avant de se retrouver en surface et amorcer son voyage dans l’atmosphère. Quand il faut la quitter, je dépose au-dessus de sa tête une composition végétale de quelques brindilles entremêlées.(…) »
Laurence Boissier nous donne en cadeau ce roman malicieux qui interroge notre incarnation ici-bas, dans cette vie, cette période.
Le reste de la troupe n’est pas en reste, tu te retrouveras aussi parmi Bernard, Thierry, Martin, Magali, Esther, « Amour », de quoi te rappeler l’humanité dans toute sa diversité, son originalité et de donner du baume au cœur… ou pas, haha, car la meute est en marche.
Ces deux-cent-quarante pages sont un pur bonheur de vagabondage suisse au milieu des saxifrages à pétales roses, des adénostyles, des saules aux longues tiges et autres fougères, cycas et conifères: merci Bernard.
Je vous souhaite donc une chouette randonnée, histoire de prendre de la hauteur… et d’y rester.
Fanny.
Histoire d’un soulèvement, Laurence Boissier, Art & fiction, 246 p. , 14€.