Pierre Pelot est né en littérature à la fin des années 60 avec les aventures de Dylan Stark, sang mêlé cherokee-français durant la Guerre de Sécession. Westerns pétris d’humanité, les 22 titres qui composaient la série ne sont pour la plupart plus disponibles aujourd’hui malgré une réédition chez Bragelonne il y a quelques années, ce qui constitue une belle lacune éditoriale (ou une belle occasion à saisir pour un éditeur audacieux). Soixante ans et deux cents romans plus tard, Pelot est toujours présent sur la scène littéraire hexagonale, publiant aussi bien aux Presses de la Cité qu’à la Série Noire. Loin en amont du ciel paraît sous l’étiquette de La Noire, cette collection « parallèle » qui a le grand mérite de publier peu mais bien puisqu’elle a eu le bon goût de nous proposer, entre autres, des textes de Ron Rash ou d’Antoine Chainas.
Ce roman constitue à lui seul une double bonne nouvelle pour les amateurs de Pelot : d’abord, simplement, parce qu’on est toujours contents de retrouver cette plume unique. Ensuite et surtout parce que l’auteur vosgien renoue ici avec ses premières amours et ressuscite d’une certaine façon la figure de Dylan Stark, que l’on pensait oubliée depuis des lustres. Manifestement inspiré par ces retrouvailles, c’est un Pierre Pelot en très grande forme qui embarque ses lecteurs dans une chevauchée sauvage de presque 400 pages au terme desquelles la poussière de l’épopée des soeurs McEwen mettra du temps à retomber.
Loin en amont du ciel est l’histoire d’une vengeance, celle d’Énéa, Erin et Aïleen, dont les parents et la soeur cadette ont été sauvagement assassinés par des pillards comme il s’en rencontre un peu partout durant cette période chaotique de fin de la Guerre de Sécession. Les jayhawkers, les buchwhackers, les scalawags ou les carpetbaggers, autant d’anciens soldats du Nord ou du Sud convertis au meurtre gratuit et au pillage aveugle. Menée par Captain Sangre de Cristo et la sorcière Mother, la bande que suivent les soeurs McEwen sévit sur un très vaste territoire, sans plus de logique que de pitié.
En se lançant sur les pistes de l’Ouest aux côtés de ses héroïnes, Pierre Pelot retrouve un second souffle qui semblait lui faire défaut sur des titres plus récents comme Les Jardins d’Eden ou le bancal Ailleurs sous zéro. Particulièrement à son affaire en ces lieux et époque, il livre un roman vibrant de bruit et de fureur, puant la poudre et le sang dans lequel son écriture ciselée combinée à une force d’évocation hors norme laisse le lecteur pantois. Les explosions de violence sont légion dans ces pages et Pelot y déploie tout son talent, faisant montre d’un sens du détail et du découpage proprement impressionnant. Certes, la trame est minimaliste mais le résultat s’avère bluffant de force et de réalisme cru. Tous les sens sont ici pris à partie, qu’il s’agisse de la vue, de l’odorat, de l’ouïe ou du toucher, Loin en amont du ciel constitue ainsi une plongée féroce et immersive dans une période où être un bon tireur ne suffisait pas, il fallait aussi dégainer en premier.
Après un faux départ il y a quelques années, où il expliquait publier son dernier livre avant de se retirer définitivement, Pierre Pelot, en tant que graphomane invétéré, a depuis publié plusieurs titres dont certains moins marquants que d’autres mais ce retour au western s’avère une réussite complète dont on doit se réjouir et qui laissera sans aucun doute une empreinte durable sur notre année de lecture(s) en cours.
Yann.
Loin en amont du ciel, Pierre Pelot, Gallimard / La Noire, 373 p. , 21€50.
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