L’envie de partage et la curiosité sont à l’origine de ce blog. Garder les yeux ouverts sur l’actualité littéraire sans courir en permanence après les nouveautés. S’autoriser les chemins de traverse et les pas de côté, parler surtout de livres, donc, mais ne pas s’interdire d’autres horizons. Bref, se jeter à l’eau ou se remettre en selle et voir ce qui advient. Aire(s) Libre(s), ça commence ici.
La Rédactrice,  Michèle Cohen (Éditions du Panseur) – Margot
La Rédactrice, Michèle Cohen (Éditions du Panseur) – Margot

La Rédactrice, Michèle Cohen (Éditions du Panseur) – Margot

« Et si l’écrivain était celui qui ne sait pas écrire ? » Vaste question, postulat de départ, intense sourire. Voilà une délicieuse envie de lire La rédactrice car une fois l’envie assouvie, le sourire est encore là.

Je pense donc je suis, je panse donc j’écris serait un très bel hommage à ce livre, cet objet littéraire non identifiable ni enfermable dans un genre (littéraire ou pédagogique…)

Un délicieux, pointilleux mais joueur, autoportrait d’une apprentie en littérature, qui prend sa revanche sur une mauvaise note initiale, en apprenant en autodidacte, refusant malgré tout de tirer son style d’écriture dans une impasse.

Un outil pour sourire mieux penser donc panser, indispensable pour tout écrivain, écrivant, scribe et rédacteur !

Réinterroger ce qu’écrire est. Un travail, somme toute. Donné à ceux qui doivent ou peuvent le faire, pas forcément à ceux qui savent.

La Rédactrice retrace jour après jour, page après page phrases après phrases les efforts d’une femme dans sa quête du mot juste.

Ceci n’est pas qu’un livre, c’est une chronique de l’écriture journalière contre salaire (ou pas), des fragments de vie rassemblés comme une archive, un documentaire de l’écrit, de l’écriture, de la rédaction de textes.

Une expérience intime de l’écriture et avec l’écriture, incluant les étapes d’apprentissage, les réflexions, les doutes, les échecs et les réussites d’une femme qui a gagné sa vie en écrivant pour les autres.

Assise à une table, quelque part, devant son cahier, un ordinateur, elle rédige, maladroite, doutant de tout et surtout de sa capacité à le faire, mais en regardant comment font les autres, les imitant, s’imprégnant d’autres textes, d’autres écritures, elle apprend.

Elle écrit pour la radio et la publicité ; elle connaît des poètes, elle sait repérer un style à imiter, elle sait qu’on peut rédiger sans métier, mais qu’il faut tisser, broder, penser, panser, classer, apprendre pas à pas, voire parfois inventer une langue personnelle, si ce n’est un style.

Une succession de textes courts, incisifs, drôles pour montrer les différentes formes que peut prendre l’écriture.

Écrivain/scribe public, le rédacteur ? Écrire comme acte et lien social, aussi ? Écrire demande une capacité à mettre le réel à distance, soi même, aussi, s’enfermer dans les mots pour les mettre sur papier, clavier, écran… Ré-interroger ce faisant la place de l’écrit dans nos vies, depuis l’enfance et les premières rédactions, les premières lettres envoyées.

Un témoignage sur l’écriture et ce qu’elle brode. Faire est apprendre, affronter ses peurs, celle de la page blanche, mais pas que, elle s’y lance, elle bosse et pense, et décrit l’écrit : lettres d’amour, témoignages juridiques, cahiers de réclamations, condoléances, sms, éloges funèbres, accroches publicitaires, voix off, plaques commémoratives…

On la lit, on pense à nous-mêmes et c’est en partie ce qui rend ce livre tellement touchant et universel, des premières dissertations, le cheminement du hasard qui la pousse et la tire toujours vers l’écrit, depuis les premières réclames jusqu’au succès dans la publicité.

Écrire c’est aussi se relire et se corriger. Michèle Cohen revient sur le livre en cours, se juge comme une mise en abyme de soi, balisant ainsi chaque mot de La Rédactrice et prenant le lecteur à témoin, évitant, le plus possible que l’écriture soit « trop tirée par les cheveux ».

Une recherche sempiternelle du mot juste, du mot qui marque, et un style qui se trouve au fur et à mesure des années, les phrases qui s’affinent. Plus avancer grâce aux mots et se retrouver écrivain.e malgré soi.

Photo : D.R.

Le livre d’une artisane fière de l’être, auréolé de références fines, donc bien sûr Virginia Woolf qui, parlant de l’écriture des femmes , affirmait, non sans ironie, que cela « n’intéresse pas grand monde, ne demande pas beaucoup d’espace, ne coûte pas cher » et « donne une grande et merveilleuse liberté ». Ce que ce livre nous (dé)montre, avec brio et une touchante sincérité.

Tisser des phrases pour dire une vie autour de l’écrit, partager cette vie dans un livre, toucher les lecteurs et leur donner à leur tour l’envie d’écrire. Défi relevé grâce à ce livre Panseur !

Margot.

La rédactrice, Michèle Cohen, Éditions du Panseur, 280 p. , 18€50.

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