Soyons clairs, tout de suite, pour éviter les « Tu me l’avais pas dit » et autres râleries intempestives.
C’est un roman long de plus de sept cents pages, sept cent vingt neuf, précisément.
Il y a quelques années, l’éditeur lui aurait demandé d’enlever deux cents pages de son manuscrit. Il l’avait fait pour la première version du Fléau.
Depuis que King vend un million d’exemplaires à la sortie d’un roman, plus personne ne lui dit d’enlever des morceaux d’âme à ses personnages.
C’est bien.
Je lis Stephen King depuis le début de l’adolescence, et j’ai commencé par Carrie en 1976. Avec des émotions qui varient régulièrement entre l’adoration (mesurée) et la détestation (rarissime).
King sait comment fabriquer un personnage en trois lignes. J’en connais pas beaucoup d’autres qui soient capables de faire ça.
Même ceux qui s’imaginent qu’ils peuvent le faire.
Capable de fabriquer un petit garçon qui va devenir le héros de l’histoire que vous ne pourrez pas lâcher avant d’avoir tourné la dernière page.
Environ quatre-vingt morceaux de vie qu’il nous a mis entre les yeux.
À croire qu’il n’a jamais laissé s’essouffler son imagination.
Un des romans qui m’a le plus marqué, c’est sans aucun doute Le Fléau. Je me souviens encore de l’émotion ressentie quand j’ai vu l’édition revue et augmentée en piles dans la librairie. Je me souviens même de la couverture…
King a cette capacité de me faire couler les yeux, parfois à l’intérieur, en me laissant pénétrer dans la tête et l’âme des personnages qu’il crée.
C’est magique.
Conte de fées, je l’ai lu à droite et à gauche sur le ouaibe, va trouver des détracteurs.
Forcément.
Ceux qui disent notamment qu’il y a trop de mots, comme Salieri qui trouvait trop de notes dans la musique d’Amadeus.
Des jaloux.
J’ai décidé d’être poli et bien élevé.
Je considère quant à moi que quand tu ouvres un roman et que tu n’arrives plus à le laisser de côté pour faire autre chose, c’est que les mots sont parfaitement agencés, et qu’ils sont à la bonne place. Qu’il n’en faut pas plus, et surtout pas moins.
D’aucuns, toujours les mêmes, ont décidé que les premières pages étaient trop lentes. Que deux cents pages pour fabriquer des personnages, c’était trop long.
Ces pages sont pourtant remplies d’humain.
Ce que devrait être l’humain.
Pleines d’émotions et de fragilités.
Encore le vieil homme et l’enfant, diront aussi ceux-là.
Mais la vie, finalement, n’est-elle pas liée à cette relation entre ceux qui ont vécu, et ceux qui vont vivre ?
Il y a écrit conte de fées sur la couverture.
On m’a expliqué un jour, il y a quelques années, que les contes de fées, au départ, n’étaient pas ces gentilles bluettes que l’on découvre aujourd’hui et depuis quelques années.
Pourquoi ? parce que surtout ne pas faire peur aux enfants.
Surtout ne pas les effrayer avec des ogres et des lycanthropes qui égorgent les gens. Laisser nos chers bambins dans le confort du sein maternel.
C’est ballot.
Peut-être qu’ils seraient mieux préparés à la vie qui les attend s’ils avaient eu affaire, dans leurs premières lectures, dans les premières histoires racontées, aux monstres qu’ils vont croiser, souvent bien trop tôt.
Aux loups cachés au coin des bois, ceux qui vont dévorer leur innocence, à coups de gifles et autres joyeusetés dont certains ont le secret.
À la balle qui finira au milieu du front du môme qui aura eu la mauvaise idée de naître au milieu de la guerre des adultes.
Tu vas me dire que mes mots sont plutôt violents pour parler d’un « Conte de fées ».
Je sais.
Et toujours pas un mot sur le roman.
Dedans, il y a un vieil homme et un enfant et une chienne.
Une chienne qui va te permettre de ne pas te perdre tout au long du récit.
Elle s’appelle Radar.
Elle est vieille, et elle va bientôt mourir. Parce que les chiens, au bout de quelques années, ils vieillissent et ils meurent. Un peu comme nous, mais plus vite.
Il y a une princesse, aussi.
Une princesse tellement belle à l’intérieur que tu vas en tomber amoureux, même si t’es une fille.
Elle vit dans un autre monde, celui qui s’appelle l’autre monde. Un monde en proie au Mal, et au gris, et à la peur et à la tristesse.
Un peu comme chez nous.
Du gris à la place du ciel bleu et des fleurs rouges et des rires des enfants.
Alors un roman sur l’Amour, comme sait si bien les écrire Monsieur King.
Juste ça.
Pas la peine de t’en dire plus.
Beaucoup de chroniqueurs s’y sont déjà employés, avec plus ou moins de révélations sur le roman.
C’est ballot et un peu ridicule.
Je t’ai dit que je serai poli et bien élevé dans cette chronique.
J’ai de plus en plus de mal à comprendre pourquoi certains racontent le roman s’ils ont envie de le faire découvrir à ceux qui regardent nos avis sur les blogs.
Parce que la découverte est liée à ce qu’on n’a pas dit.
Je crois.
Les références aux autres romans de King, non plus, je ne les comprends pas. Elles n’ont aucune espèce d’importance.
Ce qui compte, au bout du bout, c’est l’histoire qu’il nous donne à lire.
Le conte.
Un dernier mot sur la vidéo, juste là-dessous.
Je t’ai parlé du monde gris qu’on connaît actuellement et dans lequel King emporte son héros, et toi par la même occasion.
Shaka Ponk en cause foutrement bien dans son dernier morceau.
Du gris pour remplacer la couleur, comme dans le roman de Stephen King.
Et c’est tout ce que j’ai à dire sur ce roman.
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean Esch.
Nicolas.
Contes de fées, Stephen King, Albin Michel, 736 p. , 24€90.
Merci pour cet avis ! J’aime aussi beaucoup King et parfois il m’agace (souvent même) .
Avec ce conte de fées, l’impression est encore la même. Étincelant durant la première moitié, celle qui justement ne traite pas tant des contes. Un petit peu ennuyeux sur la seconde partie.
Par contre, c’est étonnant, même ennuyeux, King arrive presque toujours à me rattraper et à m’emmener au bout de son livre. Voire à m’émouvoir. Et donc au final un bon bouquin même si assez loin de son meilleur pour moi : Différentes saisons… des nouvelles, tiens ! Peut-être que je trouve King meilleur quand il resserre son intrigue ?
Merci pour ce commentaire Seb ! Ce qui est certain, c’est que l’oeuvre du Maître est suffisamment volumineuse pour que chacun(e) puisse y trouver son compte !
L’humanité omniprésente chez Stephen King c’est tout ce qu’on désire, on a besoin de se sentir bien dans un livre. Il aime ses personnages, il aime ses lecteurs, et moi je me demande : le Prix Nobel de Littérature, il le mérite AVANT sa mort !
Ben, ouais, évidemment… Sauf que son écriture est pour le peuple, pas pour ceux d’en haut, ces pseudos intellos qui ont oublié que le but, c’est d’abord de raconter des histoires…
Au début, oui. Mais il a désormais des lecteurs dans toutes les classes de la société je te le garantis !
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