« Il était alors impossible d’imaginer que trois jours plus tard, dans la nuit de jeudi à vendredi, Étienne tuerait sa femme. »
Voilà la phrase que les lecteurs découvrent à la fin du 1er paragraphe de la 1re page du nouveau roman de Claire Berest.
Étienne et Vive sont en couple depuis 10 ans. On passera donc trois jours avec eux, trois jours et toute une vie puisqu’au fil des pages c’est leur caractère qui se dessine au gré de plongées dans le passé de ce duo si mal assorti, on le comprend vite.
La construction de ce roman est d’une efficacité redoutable, son sujet à priori complètement dans l’ère du temps. Mais ce qui le rend incontournable dans cette nouvelle rentrée littéraire c’est l’angle bien particulier adopté : ce qui intéresse l’autrice ce n’est pas tant le crime en lui-même que de questionner ce moment si mystérieux où tout peut basculer. Tuer l’autre pour ne pas avoir à le voir partir, nous échapper.
Et surtout, quel plaisir de retrouver cette plume. Elle est tellement colorée (et vous verrez que la couleur des mots a ici une importance particulière) que même quand il s’agit de découvrir un personnage dont on sait qu’il a tué sa femme, on ne peut s’empêcher de sourire face à de petites manies ou des traits de caractère frisant le ridicule.
Claire Berest nous déstabilise, efface l’image bien ancrée selon laquelle seuls ceux qu’on perçoit à priori comme des monstres en arrivent aux pires extrémités. Le mal se cache dans l’accumulation de détails, d’années d’habitudes et d’adaptation à des scènes qui auraient dû alerter avant d’arriver à un point de non retour.
Ce livre est aussi remarquable par l’entremêlement de ses fils narratifs que par le point de vue littéraire adopté par Claire Berest à travers un style d’une précision et d’une fantaisie remarquables.
Aurélie.
L’Épaisseur d’un cheveu, Claire Berest, Albin Michel, 240 p. , 19€90.
Un livre difficile à découvrir tant le climat décrit est dense, inexorablement tournée vers une fin annoncée. Mais, tout à fait d’accord, une grande maîtrise littéraire !