L’envie de partage et la curiosité sont à l’origine de ce blog. Garder les yeux ouverts sur l’actualité littéraire sans courir en permanence après les nouveautés. S’autoriser les chemins de traverse et les pas de côté, parler surtout de livres, donc, mais ne pas s’interdire d’autres horizons. Bref, se jeter à l’eau ou se remettre en selle et voir ce qui advient. Aire(s) Libre(s), ça commence ici.
Ni loup ni chien, Kent Nerburn (Éditions du Sonneur) – Fanny
Ni loup ni chien, Kent Nerburn (Éditions du Sonneur) – Fanny

Ni loup ni chien, Kent Nerburn (Éditions du Sonneur) – Fanny

Autant te dire que tu t’en prends plein la face, l’homme blanc. Autant te dire qu’il y a de quoi. Neither Wolf nor Dog, l’ouvrage culte préfacé par Robert Plant – oui oui, le chanteur de Led Zeppelin – arrive aux éditions du Sonneur, traduit par Charles Pommel et accompagné des illustrations intenses d’Edmond Baudouin, rien de moins.

Nous sommes en 1990, Kent Nerburn est appelé par Wenonah, la petite-fille de Dan, un ancien de la tribu des Lakotas. Celui-ci veut lui parler, lui confier l’histoire de son peuple, mais pas au téléphone, Nerburn doit venir. Et Nerburn part au cœur de l’Ouest américain, dans son pick-up Nissan de wasichu.

Le premier mot qui me vient est celui d’honnêteté en pensant à ce récit intense, vif, sans ambages. Celui ou celle qui veut lire un récit sur les rites et les croyances autochtones, peut aller voir ailleurs si il ou elle y est. Dan est cet homme qui, tout petit, a connu l’enfer des pensionnats et, selon une de ses amies de l’époque, il était, déjà à cette époque, peut enclin à suivre les règles strictes – et humiliantes – qu’on lui imposait. Dan, le grand silencieux, garde encore une colère, il la reconnaît au loin comme il perçoit à l’horizon tatanka, mais il décide d’accueillir Nerburn, auteur reconnu de « To walk the Red Road » et « We choose to remember » afin de prendre le temps de lui confier ses « petits discours ».

Photo : D.R.

Alors Kent Nerburn enregistre, en prend parfois plein la tronche, résiste, s’assouplit, essaye, s’emballe, reprend la main, écoute. Les deux hommes s’apprivoisent.

« Nous regardions les animaux et voyions ce qui était bien. Nous voyions comment le cerf trompait les animaux les plus puissants et comment l’ours rendait ses enfants forts en les élevant sans pitié. Nous voyions comment le bison se tenait et observait jusqu’à ce qu’il comprenne. Nous voyions comment chaque animal était sage et nous essayions d’apprendre cette sagesse. (…) C’était cette recherche qui nous maintenait sur un bon chemin, pas de règles ni de clôtures. Nous désirions l’honneur pour nous-même et nos familles.(…)Le monde que votre peuple a amené considérait tout en termes de liberté. Nous avions toujours eu la liberté donc vous n’aviez rien de valeur à nous offrir. Tout ce que vous pouviez faire, c’était nous l’enlever pour nous la rendre sous forme de cages. C’est ce que vous avez fait(…) »

Tu parcours ce récit, petit-e- blanche que tu es, et tu exerces ta manière de percevoir plus largement, de comprendre aussi ce cheminement où Nerburn te convie aussi, dans l’extrême vérité de sa narration, à bord de cette Buick où tu atteins, chaque soir, un nouvel état de compréhension, que ce soit dans la bâtisse d’Anne ou le site funéraire de Wounded Knee.

Ni loup ni chien remue, éclabousse, met les pendules à l’heure indienne. Dan n’est pas là pour faire typique, mais bien pour regarder Nerburn droit dans les yeux et y déposer tout ce qu’il doit, de son histoire et de l’histoire de son peuple ayant le goût des larmes et du sang versé.

Un récit intègre, sans concession, tout à la fois éclairant et sacrément émouvant.

Fanny.

Ni loup ni chien, Kent Nerburn, éditions du Sonneur, 437 p. , 24€50.

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