Dans un futur extrêmement proche, une université au Danemark est chargée d’une étude sur un nouveau médicament dont la mise sur le marché est imminente.
Alors que les résultats tombent, un professeur de psychologie qui fait partie de l’équipe pose le doigt sur un détail qui pourrait bien remettre en question les bénéfices de cette petite pilule rose sensée aider de façon miraculeuse les personnes qui n’arrivent pas à surmonter un deuil.
Seules Anna et Shadi, deux étudiantes aux caractères totalement opposés qui sont forcées de collaborer pour la rédaction de leur mémoire, prêtent une oreille attentive à cet homme que tout le monde semble avoir du mal à prendre au sérieux.
À côté de ces trois voix à la fois fortes et pleines de failles, une 4e personne complète la narration. Elisabeth est celle qui a eu l’idée de cette pilule. En remontant avec elle à l’origine de tout cela, on comprend petit à petit les enjeux qui se cachent derrière ce médicament révolutionnaire.
Ces quelques heures de lecture ont été délicieuses : enfin, je pouvais lire le nouveau roman d’Anne Cathrine Bomann dont j’avais tant aimé « Agathe » ! Peu de points communs entre les deux si ce n’est que la psychologie est encore au centre du texte et que l’autrice semble vraiment avoir un pouvoir magique pour créer une ambiance qui nous enveloppe de façon à ce qu’on ait l’impression que plus rien n’existe en dehors des mots qu’elle choisit pour nous faire vivre un voyage littéraire tout aussi percutant qu’apaisant.
Ce roman se lit d’une traite, presque comme un thriller, même si on comprend vite que la résilience a bien plus d’importance en ces pages que le suspense qui nous fait tourner les pages avec fébrilité.
Aurélie.
Imagine un monde où la souffrance psychologique due à un deuil pourrait être soulagée pour un médicament, la Callocaïne.
Extirper les souvenirs douloureux, faire table rase de ce qui te mine.
En dehors de la gamme d’ Anne Cathrine Bomann , traduit par Christine Berlioz et Laila Flink Thullesen, est un roman noir à souhait, dénonçant le totalitarisme qui peut, nonchalamment mais sûrement, te faire oublier quelques questionnements éthiques et te serrer la gorge bien comme il faut.
Deux étudiantes, hyper différentes, la « control freak » Shadi et la bouillonnante Anna vont devoir s’allier pour un mémoire portant sur le deuil, doit-on le considérer comme une maladie psychique ? Leur travail est supervisé par le professeur Thorsten, lui-même impliqué dans le suivi psychologique des patients-cobayes traités à la Callocaïne.
Sauf qu’il y a un cheveu dans le potage, et un gros.
Mêlant la vie d’une certaine Élisabeth, créatrice du « miraculeux » médicament, et le déroulé de l’intrigue, tu vas te prendre au jeu de cette histoire qui viendra faire grincer tes jolies dents.
En dehors de la gamme est de ces romans ayant une allure discrète mais dont le ton est implacable.
Traduit du danois par Christine Berlioz et Laila Flink Thullesen.
Fanny.
La rentrée littéraire est souvent un fleuve de publications avec des thèmes récurrents… Cette année, il semblerait que l’âme humaine sous tous ses prismes soit au centre des intérêts. Très bien, me direz-vous, car ces temps-ci, nous sentons bien une prise de conscience planétaire de la finitude des possibles…
Ainsi, il semble nécessaire de comprendre, maintenant, les travers de nos sociétés, la santé, psychique et physique, les marchés pharmaceutiques et leurs manipulations mensongères pour un rapport à la santé (et à l’argent) obsessionnel, glissant, aussi illusoire que dangereux.
Et là… Une fine autrice danoise, Anne Cathrine Bomann, et les Éditions La peuplade nous offrent ça : « En dehors de la gamme » dont le fil conducteur est l’âme humaine normalisée, dogmatisée, manipulée par l’industrie pharmaceutique, notamment, par les normes sociétales de surcroît.
Une enquête qui prend des airs de thriller littéraire, scientifique et politique, vu tout ce qu’elle soulève, un roman qui traite du deuil et qui décrypte tout ce qui tourne autour. Traiter la peine et la douleur par un autre mal… Une dérive, une analyse fine, un spectre fou, dans les détails à confronter.
Une enquête passionnante, une chorale d’analyses qui mélange un certains nombre de tiroirs secrets qu’il est important de faire connaître, avec documentation, savoir et connaissance, de l’humain trop humain, aussi, bien évidemment.
Le support de cette alternance de point de vue est un mémoire à rédiger, dans le cadre d’études en psychologie à l’université d’Aarhus. Une étude à plusieurs voix complémentaires sur les mensonges, les détournements de faits, de statistiques pour traiter le deuil comme une pathologie, avec la création d’un médicament, la Callocaïne, par l’important groupe industriel Danish Pharma.
Le deuil étant au cœur de la vie humaine, de celles des personnages, chacun ayant son traumatisme à affronter, analyser, au cœur de l’enquête, voire de la société, dans ce roman, la question de savoir si on peut/veut/doit en guérir est une problématique réellement passionnante puisqu’inévitable.
Tout un programme ? Oui. Un vrai défi relevé, de surcroît.
Les horreurs des marchés et tous ces humains conscients mais manipulés, comme un théâtre de marionnettes morbide, un drame réaliste interpersonnel et dérangeant.
Trouver sa place et l’envie de vivre au cœur de tout ça. On change de regard, nous lecteur, en comparant les différents points de vue et sensibilités qui nous sont montrés de manière si juste et réaliste, intime et universelle, qu’on se sent comme partie prenante, nous aussi.
Une confrontation de questionnements, d’inquiétudes, de certitudes, de croyances sur la nature humaine et les souffrances intrinsèques, qui se passe entre septembre 2024 et février 2025 (On lit la date, mais on sent bien qu’on pourrait lire un éventuel aujourd’hui, on se l’avoue assez vite, et on ne peut refermer ce livre pour cela, aussi).
Le talent de l’autrice est là et réussit l’incroyable défi de tout entremêler pour tisser la trame du récit : douceur, douleur, peur, colère, faits, science, analyse, psychologie, tristesse, tendresse, confiance et espoir malgré tout, oui. Car l’humain pris tel qu’il est encore vivant ET intelligent.
Tout en disposant çà et là, toujours à bon escient, des clés, des indices, des lectures intérieures des personnages, on les scrute psychologiquement, on saisit leurs tragédies intimes, leurs méandres personnels, on comprend, tout en étant portés par le suspense et des coups de théâtre émotionnellement porteurs de sens eux aussi !
L’empathie absolue mise en mots (psych)analytiquement justes, un pas de côté nécessaire. Un incroyablement beau et juste roman, disponible dès le 7 septembre, dans toutes les bonnes librairies !
Margot.
En dehors de la gamme, Anne Cathrine Bomann, La Peuplade, 408 p. , 23€.
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