La puissance de frappe de Caroline Deyns.
Cela commence par des calligrammes aux formes identiques, défilant l’un après l’autre, comme les barreaux d’une cellule. Une femme y est enfermée.
Son crime? Avoir subi une fausse couche.
« Dystopie ? » me murmures-tu.
Non, cela pourrait se passer ici si…, cela se passe déjà hélas ailleurs, au Salvador, où, selon la note de l’auteure « l’IVG est désormais considérée comme homicide aggravé et passible jusqu’à cinquante ans de prison, avortement et fausse couche confondus. »
Et puis, écoute autour de toi, les femmes emprisonnées du Texas, d’ Andorre, du Vatican, sur Malte, en Égypte, en Haïti…
Caroline Deyns faufile donc son personnage entre les barreaux d’une prison qui n’est pas celle d’un futur exagéré.
» Le Cri est dans l’éCRIre et qu’il est grand temps. (…) Grand temps de faire pousser les cris, de les bourgeonner (…) »
À sa suite, un passé proche, ce que l’on nomme « l’affaire de Bobigny »:
Après son viol, Marie-Claire Chevalier [GrandeEnfant] se retrouve enceinte à seize ans. Par l’intermédiaire de sa mère et de trois femmes de la ligne 9 du métro parisien, l’auteure nous transporte dans ce dédale fait de douleurs – l’avortement clandestin, les médecins, les flics, les pro ivg -, de lâcheté – la dénonciation du violeur, les phrases assassines – et l’incroyable puissance de ces femmes combattives, résilientes, résistantes: la mère, la fille, les sœurs, Gisèle Halimi, Simone de Beauvoir et toutes ces puissantes « Salopes ».
« TIRE-TOI CONNARD AVANT QUE J’APPELLE LES FLICS ET QUE JE LÂCHE LES CLÉBARDS À TON CUL !
Ça fait un bien fou à PetiteSoeur de s’ égosiller ainsi dans la nuit fissurée, un bien fou de rendre les coups(…) – Eh bien, moi je pense que pour faire partir les lâches, il faut se défendre, pas attendre. (…) «
Tu parcours MURmur le cœur battant.
Voici un roman remarquablement construit, nécessaire à partager, empli de force et d’histoires à ne jamais oublier, pour rester vigilant-e-s et bien plus encore.
Fanny.
MURmur, Caroline Deyns, Quidam, 162 p. , 19€.