Avec délicatesse et subtilité, notre narrateur nous dit les silences de son père.
En toile de fond des Silences des pères, des générations de gens aimants mais taiseux, des hommes et des femmes ayant tout quitté, taisant leurs douleurs en croyant protéger leurs fils et leurs filles, une classe ouvrière fière mais malmenée, rabaissée, outragée, violentée.
Rachid Benzine, conteur dans l’âme, nous raconte l’histoire d’un fils qui, à la mort du père, revient au sein de son quartier, à Trappes. En débarrassant l’appartement, il découvre, nichée entre les carreaux cernant la baignoire, une enveloppe. Celle-ci contient les messages audio de son père vers son grand-père. D’un fils vers son père.
Ricochet des silences.
De gueule noire dans les mines de Lens en 1965 à gueule grise à Aubervilliers en 67, d’ouvrier à la chaîne à l’usine Lip de Besançon dès 73 à maraîcher dans le Gard, le fils retrace la partition du père. Il écoute, comprend, module sa colère, s’apaise.
Le fils, pianiste mondialement reconnu, reconnaît le père, celui qui se tait mais l’adorait, celui qui écoutait, yeux fermés, le concert mythique de Keith Jarett à Cologne en 75.
(…)La cassette du concert, je l’entends encore. Les bruits de l’audience dans la salle, et la voix de Keith Jarrett, comme Glenn Gould, chantant parfois au-dessus des notes. Il faut, pour l’entendre, monter le son. Je revois le salon de notre appartement. Les fenêtres grandes ouvertes du onzième étage d’une tour de la cité. Un après midi de juillet. Je me souviens du silence, et si je ferme les yeux je revois mon père dans son fauteuil. (…) «
Notre pianiste revient sur les traces d’un homme intègre et généreux, le fils revient vers le père. Rachid Benzine nous entraîne avec lui dans cette histoire émouvante, attachante, universelle où les secrets sont enfin révélés.
Fanny.
Les Silences des pères, Rachid Benzine, Le Seuil, 171 p. , 17€50.
Mais oui, quel magnifique roman. Outre cette relation père-fils qui se redessine au fur et à mesure que les secrets se dévoilent, j’ai été très touchée par le destin de cet homme, ce père, cheville ouvrière malconnue et maltraitée sur l’autel de nos Trente Glorieuses…