L’envie de partage et la curiosité sont à l’origine de ce blog. Garder les yeux ouverts sur l’actualité littéraire sans courir en permanence après les nouveautés. S’autoriser les chemins de traverse et les pas de côté, parler surtout de livres, donc, mais ne pas s’interdire d’autres horizons. Bref, se jeter à l’eau ou se remettre en selle et voir ce qui advient. Aire(s) Libre(s), ça commence ici.
Tiohtià:ke [Montréal], Michel Jean (Seuil) – Fanny
Tiohtià:ke [Montréal], Michel Jean (Seuil) – Fanny

Tiohtià:ke [Montréal], Michel Jean (Seuil) – Fanny

Photo: Fanny.

Au Québec, c’est l’artiste incandescente Eruoma Awashish qui signe l’œuvre en couverture. Elle passe ici le relais à l’artiste Michaël Cailloux pour la couverture française.

Après avoir exploré le passé, ses choix, l’amour, ses déracinements, l’enfermement et ses douleurs, Michel Jean signe ici un roman d’aujourd’hui, au sein de Montréal, où, au Square Cabot, se réunissent les sans-abris de diverses communautés autochtones.

Tiohtia:ke était le nom Mohawk pour signifier l’endroit du grand rassemblement.

Pour en arriver à ce square, il y a forcément un chemin difficile, rugueux et silencieux. Tu y rencontreras des personnages décalés et attachants, Cris, Atikamekw, Inuit, Innus… et plus particulièrement l’histoire d’Élie Mestenapeo.

Élie a été banni de sa communauté, Nutashkuan, parce qu’il a tué le père, violent et alcoolique. C’est par cette porte que tu rentres dans ce roman aux multiples visages. Des visages émaciés, ronds, burinés, scarifiés, usés, des visages de toutes sortes, de ceux qui ont ramé dans la vie pour en arriver là, déposséder d’une part d’eux-mêmes.

Michel Jean leur rend l’humanité, comme il sait si bien le faire pour ses personnages. Pas de misérabilisme, mais un point d’honneur à dérouler une histoire qui prend sens dans notre rapport à l’autre, à celui ou celle que l’on ne veut parfois pas voir, là, au bord d’un trottoir.

Élie va rencontrer Geronimo, Jimmy, les jumelles Nappatuk, Mafia Doc, Caya et sa chanson de « Vilain Pingouin », Kalina… une communauté se crée sur le Square Cabot, cabossée, mais existante, fraternelle. Le jeune homme fait le va-et-vient entre des souvenirs auprès de son mushum, son grand-père, et ce qu’il vit auprès des autres, les immeubles remplaçant les forêts, un sachet de thé Salada contre une Labatt bleue.

Et puis un jour, il faut suivre le courant, remonter la rivière, affronter les souvenirs. Un jour, il y a Audrey, Lisbeth, la route 138, le territoire de la Côte-Nord et la mémoire qui remettent de l’ordre dans tout le fatras de la vie d’Élie et de ses compagnons d’aventure.

Tiohtia:ke prend à bras-le-corps les cœurs larges pour des corps malmenés, les failles percées à jour dans les armures de ces guerriers et guerrières du quotidien, ces abandons, ces non-dits, ce bannissement, ces exils, ces pardons, ces renaissances. Voici un roman sur celles et ceux qui gravissent des montagnes, accompagnés par cette plume toujours aussi vive et humaniste d’un auteur désormais engagé.

Fanny.

Tiohtià:ke [Montréal], Michel Jean, Le Seuil, 219 p. , 20€.

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