Sur la première page blanche du roman, il y a un joli dessin de Sébastien. Un dessin, qui, quand tu regardes mieux, forme des lettres, et puis des mots, et puis des phrases.
Des jolies phrases.
Des phrases qui disent que bizarrement, il espère que ce roman va trouver moins de graisse à mes yeux.
Ce qui m’étonne, sans aucune fausse modestie que je ne supporte pas, c’est que mon avis lui semble important.
C’est vrai que dans le dernier, histoire de feu, de métal, et de lumière, je n’avais pas adhéré à la multiplication des mots, à ce vocabulaire presque trop grandiloquent pour moi.
Il espère donc que cette fois-ci, l’os sera plus visible…
Ce petit mot m’a touché.
Vraiment.
« Je crois que le passé, c’est simplement des morceaux de présent qu’avancent moins vite que nous. »
C’est pour ça que je lis.
Pour prendre dans la gueule des phrases qui restent au fond de mon p’tit cœur de lecteur.
Je vais éviter de faire ce que d’aucuns font, et ils sont nombreux, quand ils te causent d’un roman.
Te raconter l’histoire.
Juste que tu saches que ça se passe dans les années 80, vers la fin, et que forcément, si à cette époque que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, tu arpentais déjà les chemins forestiers, il y a des choses qui vont remonter à la surface de tes yeux.
Obligé.
Tu vas croiser Johanna, et si t’es un mec, tu risques de tomber amoureux.
Franck, Vincent, et Christophe. Si t’es une nana, tu risques de tomber amoureuse.
Je déconne.
On ne peut pas tomber amoureux à chaque fois qu’on ouvre un roman.
Toi aussi, peut-être que tu te baladais avec tes potes. Que tu faisais tout avec eux.
Rire, parler, imaginer ta vie.
Si c’est le cas, tu vas avoir les yeux mouillés.
Tu vas rencontrer l’Indien. L’Indien et ses livres.
Voilà pour le pitch.
Je sais, c’est court, mais tu as l’habitude de mes courts pitches.
Certains auteurs commencent très fort, je pense à Bouysse, avec Pur sang, Grossir le ciel et autres Glaise, puis se dirigent vers la facilité, vers l’écriture qui, ce n’est que mon impression, permet d’engranger des trucs, des sous, des lecteurs, voire des prix, tout ça tout ça…
C’est sans doute bien.
Sauf que ça me déçoit d’être déçu.
Vraiment.
Sébastien, c’est le contraire.
Il progresse, et surtout, il tient compte des retours de ceux qui lisent ses romans.
Pas que moi, évidemment, ceux en général.
Cette écriture qui m’a ramené quelques (je dis ce que je veux) années en arrière. Ces années où mon grand-père répondait « Bonjour » à Yves Mourousi, à chaque journal télévisé. Cette époque où les journalistes rentraient un peu dans les maisons et devenaient (un peu aussi) des relations, voire des presque copains…
Cette époque où mes potes et moi, on jouait à des jeux parfois dangereux, avec des pistolets à plomb ou à du patinage sans patins, sur des étangs parfois limite fonte des glaces et qu’on rentrait à la maison en appréhendant l’engueulade à la vue de nos vêtements trempés…
Pas facile, et surtout pas donné à tout le monde de me toucher comme ça.
Pas facile de me remettre dans le nez le parfum des genêts ou celui des pins de la Haute-Loire.
Pas facile de me remettre en bouche le vin sucré du fils du facteur que l’on buvait à même la gourde en plastique et qui nous emportait un peu au-dessus du sol de la forêt…
Pas facile de me remettre au cœur ces instants de bonheur sans contrainte.
Pas facile.
Te faire rêver et te ramener, au chapitre suivant, dans la vie réelle, avec ses spasmes de douleur ou de tristesse.
Le pote qui arrivait souvent avec des bleus, parce qu’il tombait régulièrement dans les escaliers, et qu’il avait parfois du mal à se relever.
Quand t’es qu’un môme, tu piges pas les coups qui se transforment en marches d’escalier. Juste tu rigoles parce que tomber aussi souvent ça veut dire que tu picoles.
Lui, il picolait pas.
Me suis souvenu de mes premières amours, aussi, forcément, et des premiers yeux mouillés à la lecture d’un roman.
T’as vu, au-dessus, j’ai mis la photo du prix qu’il vient de recevoir, et comme il est discret, ça va l’agacer que j’en parle, mais je m’en fous. Il le mérite.
Alors de la souffrance, et du bonheur dans ce livre, écrit à l’os.
Je sais qu’il sera content que je le dise…
C’est la première fois que je prends mon téléphone pour appeler un auteur et lui dire à quel point son roman m’a remué les tripes, et pour le remercier de l’avoir écrit…
La première fois.
C’est tout ce que j’ai à dire sur ce roman.
Nicolas.
Où reposent nos ombres, Sébastien Vidal, Le Mot et le Reste, 358 p., 21€.
dès le matin prendre autant d’émotions et de souvenirs . Je vous suis dans votre retour de lecture mais bon avec Sébastien Vidal y a tout ça et en plus il y a la poésie . Je l’ai rencontré et que du bonheur d’échanger avec lui.