« Shelton avait toujours été du genre pas facile à tuer. Mais ce jour-là, il avait l’air tendu. (…) Il avait soixante-treize ans, il était court sur pattes, et chaque fois que je le voyais, j’avais l’impression qu’il avait rapetissé. Moi, j’avais cinquante ans, j’étais irlandais, j’étais cinglé et ça ne s’améliorait pas avec le temps, bien au contraire. Dehors il pleuvait des cordes – Los Angeles pleurait et ça durait depuis des semaines. »
Un roman débutant ainsi, c’est un peu comme s’enfoncer dans un fauteuil Club, un verre de Single Malt à la main en écoutant la voix électrifiée de Little Richard posée sur la nerveuse guitare de Jimi Hendrix – à moins que ça ne soit l’inverse.
Jonathan Ames, tout en rendant un bel hommage à un Dashiell Hammet ou un Raymond Chandler, sait sortir sa carte du jeu du chat et de la souris pour y faire éclater le vernis de l’American Dream et le pouvoir dévastateur du Dieu Dollar.
L’auteur, traduit par Lazare Bitoun, décrit ses personnages comme un bédéiste structure son trait, il travaille ses dialogues pour en rendre quelque chose d’habité, nerveux… et enamouré lorsqu’il s’agit de parler du chien d’Hank, George, ou de la prétendante balafrée du privé, professionnelle du tisonnier.
Parce qu’Hank le vaut bien, c’est un type chouette. À Lou qui lui demande un jour un rein, il prend le temps d’apporter sa réponse. Au « Miracle Thai Spa » où il est vigile, il n’hésite pas à s’interposer face à un molosse sous méthadone. Et lorsque Lou lui file, dans son dernier souffle, un diamant accompagné d’un paquet d’ennuis, il ne se défile pas, lui, ce Happy Doll structuré à la » Hard-boiled school « , toujours prêt à défendre les moins que rien dans un monde obnubilé par la vie éternelle et le pognon.
Il s’appelait Doll remue les tripes, dans tous les sens du terme, et j’ai adoré
Fanny.
Il s’appelait Doll, Jonathan Ames, Joëlle Losfeld Éditions, 224 p. , 23€.