Découverte de Gilles Vincent à travers le programme du Diable…
Vauvert, le Diable, Ghislaine, Vauvert.
Pas celui que tu pries tous les soirs, l’autre.
J’ai lu quelque part que les romans de Gilles Vincent n’étaient jamais gratuits, et qu’ils étaient toujours engagés.
Socialement engagés.
C’est bien, et ça aurait fait plaisir à saint Jean-Patrick.
Il s’agit donc ici de créer une histoire liée à ce que le monde nous offre de beauté et d’élégance dans les entrepôts du géant du commerce mondial. La boutique qui appartient à tous ceux qui imaginent que Bezos leur fait cadeau de sa marge bénéficiaire et qu’il a le comité d’entreprise le plus performant du monde.
Je devrais même dire de l’univers, puisqu’il a décidé que notre pognon lui servira à voler dans l’espace…
Donc, les entrepôts.
Les entrepôts dans lesquels la vie est tellement belle que les ouvrières (c’est chiant les gonzesses pour ça) font rien qu’à se suicider.
Une, ça va encore, mais quatre, ça commence à se voir.
Un peu comme les agriculteurs en ce moment.
Ça se voit trop.
Pour que l’histoire soit pile-poil dans notre temps, les deux flics qui enquêtent sont homo sexualisés.
Chacun de leur côté. Une fille et un garçon.
Je ne dis pas que c’est volontaire, Ghislaine, juste, je précise que l’auteur a décidé que c’était le moment de faire intervenir des personnes homosexuelles dans le roman.
C’est tout.
Enfin, pas tout à fait tout.
Évidemment, il y a un autiste Asperger qui s’invite dans l’enquête.
C’est pareil, c’est un peu la mode, et c’est toujours utile d’avoir un autiste Asperger dans l’équipe d’investigation.
Ils comprennent plus vite que Madame Michu.
En général.
Brindille (ça ne s’invente pas), qui va donc aider les deux flics dans leur enquête.
Soyons clair.
Je me suis bien amusé pendant les premières pages. Le côté sympa des protagonistes, l’enquête qui démarre, la langue assez simple et sans fioritures.
Sympa.
La brindille Asperger qui nous fait profiter de son étonnant cerveau et de ses capacités exceptionnelles de déduction (ben oui, tu t’attendais à quoi ?) qui en remontrent aux deux enquêteurs…
Voilà voilà.
Et puis ça se gâte.
Pour moi, Ghislaine. Pour moi.
Parce que j’ai du mal avec cette littérature. Ce n’est, comme dirait l’autre, pas ma tasse de thé. C’est du bon roman, c’est de la belle histoire aurait chanté le chanteur qui chantait, mais il me manque quelque chose.
Un peu, et c’est ce que j’ai ressenti dans toute la seconde partie du livre, comme si l’auteur était, lui aussi, pressé d’en finir.
Bizarre, non ?
Il m’a manqué, pour tout te dire, la musique.
La musique des mots que je croise parfois (trop peu souvent) dans les textes qui me restent en mémoire.
Alors oui, il y a ici un contexte social qui devrait nous faire peur, à tous. Parce que le commerce gigantesque en ligne devrait nous faire peur par ce qu’il implique en termes de pollution, de saccage de la nature, et autres joyeusetés qui nous font aller vers nulle part à toute vitesse…
Alors oui aussi, le roman est bien mené. Il va t’obliger à tourner les pages pour comprendre où veut t’emporter Gilles Vincent, et c’est déjà pas mal.
Alors oui enfin, il ose certaines scènes très noires, auxquelles on n’est pas encore habitué dans la littérature « populaire »…
Mais est-ce que ça suffit pour faire un grand roman policier ?
Ben non, mais on s’en cogne.
On s’en cogne, parce qu’encore une fois, ce n’est pas ce qu’on demande à ces romans.
Les fameux romans sociaux chers au cœur de M’sieur Manchette.
On leur demande de nous distraire, de nous amuser, de nous emporter avec leurs personnages au milieu d’une histoire, et de nous la donner à vivre, de nous donner à sourire, à frémir parfois…
C’est ce que j’ai failli oublier en refermant ce roman, et c’est tout ce que j’ai à en dire.
Usual Victims, Gilles Vincent, Au Diable Vauvert, 319 p. , 9€.
Amadeus
Bon.
Comme j’avais lu et finalement apprécié le roman précédent de Gilles Vincent, et comme j’avais les deux à ma disposition, je me suis dit que j’allais me faire le second dans la foulée.
Pas tellement parce que je savais pas quoi lire, mais bien plutôt parce que sinon, je savais que je n’y reviendrais pas de sitôt.
Comme disait mon grand-père, « trop de livres à lire. Quand il y en a un qui t’ennuie, prends en un autre. Pas la peine de perdre ton temps. »
Alors comme j’avais pas complètement perdu mon temps avec le précédent…
Damien Faust.
Je sais, je t’en avais pas causé lors de ma précédente intervention.
Damien Faust, c’est le tueur.
Celui qui a passé un pacte avec le Diable, au cas où tu l’aurais pas reconnu. C’est tellement gros comme nom que c’est presque un peu ridicule, mais ce n’est pas grave. « Ça va bien se passer » comme disait le nain de jardin à la mauvaise herbe.
Il est évidemment amoureux de Mozart (qui est mort, mais il ne faut pas lui dire) et se fait donc appeler Amadeus.
C’est un grand moment de solitude que je viens de vivre.
Un vrai psychopathe, qui colle parfaitement à la définition du dictionnaire.
Seul, maniaque quant à son hygiène de vie, et tous les petits trucs de l’enfance dont Mélanie Klein nous a parlé. Si ça t’intéresse, va donc voir, c’est passionnant.
Faust est tombé sous le charme de la brindille, durant le premier roman. La brindille a été enfermée dans une Unité de Malades Dangereux et Faust veut le libérer pour l’éduquer comme un petit scarabée.
Seulement voilà, au milieu de tout ça apparaît Félicité. Elle est une des rescapées de Faust, elle est photographe et elle est aveugle.
Je déconne, elle est muette.
Voilà le pitch.
Je me rends compte que je n’avais pas fait de pitch pour le premier, mais c’est pas très grave.
Il y a du sang, des os, de la chair bafouée et violentée, il y a un marteau de charpentier (Faust, le Diable, le charpentier…) mais tu ne sauras jamais pourquoi tout ça.
C’est ballot.
L’aspect socialisant (Amazon et le bonheur au travail) a disparu dans ce roman. Tu es face à la quintessence du tueur en série, intelligent et sadique, mélomane et charpentier à ses heures.
Je dois te dire qu’on est assez loin de « Leçons d’un tueur » et de ce que j’en disais :
« Repérer.
Traquer.
Tuer.
Recommencer.
Tu vois.
Simple.
Faut juste l’écrire, et tout le monde ne sait pas faire ça. »
Dans le roman dont il est question, Faust vient de tuer onze jeunes femmes (les tueurs en série ne dégomment jamais des vieux mecs dans les romans français, ou pas souvent), et voilà voilà.
Fin du pitch.
Alors comme pour le premier, une écriture assez sympa, facile à suivre, pas du tout grandiloquente comme chez certains que je ne nommerai pas, et encore une fois, c’est finalement ce qu’on demande à ces romans.
Nous faire plaisir, nous balader sur des chemins qu’on n’emprunte pas dans la vraie vie, et nous pousser à tourner les pages pour connaître la suite de l’histoire.
C’est réussi.
Et c’est tout ce que j’ai à dire sur ce roman.
Nicolas.
Amadeus, Gilles Vincent, Au Diable Vauvert, 325 p. , 20€.