L’envie de partage et la curiosité sont à l’origine de ce blog. Garder les yeux ouverts sur l’actualité littéraire sans courir en permanence après les nouveautés. S’autoriser les chemins de traverse et les pas de côté, parler surtout de livres, donc, mais ne pas s’interdire d’autres horizons. Bref, se jeter à l’eau ou se remettre en selle et voir ce qui advient. Aire(s) Libre(s), ça commence ici.
Birnam Wood, Eleanor Catton (Buchet-Chastel) – Yann
Birnam Wood, Eleanor Catton (Buchet-Chastel) – Yann

Birnam Wood, Eleanor Catton (Buchet-Chastel) – Yann

Troisième roman d’Eleanor Catton depuis La Répétition (Denoël 2011), Birnam Wood arrive sur les tables des libraires neuf ans après le carton mondial et le Booker Prize des Luminaires (Buchet-Chastel 2015). Du haut de ses trente-neuf ans, l’autrice néo-zélandaise prend son temps et avance avec l’assurance des grands, confortée sans doute par la reconnaissance que lui valut cette prestigieuse récompense. Il faut dire aussi que la jeune femme de 26 ans qu’elle était à la publication de La Répétition faisait déjà entendre une voix à part, originale et troublante. Nul doute qu’après la lecture de ce Birnam Wood, on louera également sa capacité à se renouveler et à être là où on ne l’attend pas puisqu’après un roman d’apprentissage et une saga historico-ésotérique, elle nous revient avec un thriller où se mêlent écologie, politique et une analyse psychologique extrêmement fine.

Birnam Wood est un collectif militant fondé par deux jeunes femmes inséparables, Mira Bunting et Shelley Oakes, dont le but est de développer, partout où il y en a la possibilité, des potagers bio permettant de nourrir les habitants des quartiers où l’association est implantée, sans forcément se préoccuper de la légalité de ces installations. Le jour où Mira apprend qu’un glissement de terrain consécutif à une série de légers tremblements de terre condamne la vente prévue d’une grande ferme située dans la région de Thorndike, elle commence à réfléchir à la possibilité d’y implanter le prochain potager de Birnam Wood et se rend sur place pour évaluer la faisabilité du projet. Mais elle n’est pas la seule à s’intéresser à ce terrain et ne tardera pas à faire la rencontre de Robert Lemoine, milliardaire ambitieux, qui a d’autres projets pour le site.

Il est impossible de se plonger dans ce roman sans être, dès les premières pages, saisi par le soin qu’apporte Eleanor Catton à l’analyse et la description de chacun des personnages mis en scène ici. L’histoire familiale et le parcours personnel, la formation, les relations et interactions sont ainsi brillamment décortiquées sans pour autant rendre la lecture plus rebutante ou ardue, parvenant même à garder tout au long de ces 550 pages une fluidité totale. Loin de n’être que des pantins tentant de donner vie à une histoire, les protagonistes du roman ont tous une consistance et une épaisseur qui nous en font saisir l’humanité, dans sa force comme dans ses faiblesses. Et quand la jeune autrice se penche sur les habitants de son pays pour tenter de décrire un certain état d’esprit néo-zélandais, elle se montre tout aussi pertinente et dresse ainsi le portrait d’un pays qui ballote entre fierté nationaliste, le fameux esprit « kiwi » et un manque d’assurance qui l’empêche de s’imposer clairement sur la scène internationale.

Photo : Murdo McLeod.

L’autre aspect frappant de Birnam Wood, ainsi que le décrit fort justement Stephen King en quatrième de couverture, ce sont les strates qu’empile Eleanor Catton et qui finissent par former une histoire dont la densité et la richesse ne seront pas perçues de la même manière par chacun des personnages qui la peuplent. Là encore, la jeune autrice étonne par sa capacité à maîtriser sa narration et à ne perdre le lecteur à aucun moment. Mieux, elle parvient assez rapidement à faire naître un sentiment de malaise diffus, créant ainsi une tension qui ne cessera de s’accentuer au fil des pages.

Riche mais digeste, dense mais fluide, Birnam Wood se lit d’une traite ou presque malgré ses plus de 500 pages. Eleanor Catton y fait preuve d’une maturité bluffante. Convaincante au singulier par les profils de chacun des personnages de ce drame contemporain, l’autrice néo-zélandaise l’est tout autant quand elle parle à l’échelle d’un pays ou aborde des thèmes universels comme la cupidité, la richesse, l’activisme ou les problèmes environnementaux de notre siècle. Birnam Wood s’imposera donc ainsi comme un grand roman dont les différentes facettes s’assemblent à merveille pour former un tout d’une cohérence exemplaire.

Traduit de l’anglais (Nouvelle-Zélande) par Marguerite Capelle.

Yann.

Birnam Wood, Eleanor Catton, Buchet-Chastel, 557 p. , 25€.

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