Envie d’un grand bol d’air ? De vous retrouver sous un amas de… couettes, en compagnie d’un sacré roman d’aventure ? Alors L’odyssée de Sven de Nathaniel Ian Miller, traduit par Mona de Pracontal, est pour vous.
Sven Ormson est d’abord un être solitaire.
« À l’époque, le destin ne m’intéressait pas. Je, savais que je n’étais pas sur terre pour faire plaisir à qui que ce soit, encore moins à Dieu. »
Né à Stockholm, Sven s’abrutit dans les différentes filatures, se donne peu d’intérêt, rêve pendant qu’il endure, sans apitoiement.
Ce qui donne l’essence à ce roman c’est ce héros malgré lui, façonné par ses amitiés essentielles.
La première est celle de sa jeune sœur, Olga. Par elle, Sven partira, le premier grand départ, vers le Spitzberg.
Pour la petite histoire -catégorie petit drapeau posé sur grand caillou-, dans le cadre de ses efforts pour maintenir la souveraineté sur le Svalbard, la Norvège achète des parcelles et subventionne des entreprises norvégiennes, dont la première cité minière anglo-norvégienne.
Sven y va, lui-même presque surpris d’oser.
« »Et toi, qu’en penses-tu jeune Helga ? De cette aventure arctique ? »
– Un ours blanc te mangera la figure, Oncle Sven, répondit-elle en souriant. »«
L’enfant devait être pythie, car notre Sven, après avoir fait connaissance du délicieux géologue écossais Charles MacIntyre, se retrouve pris, avec ses camarades, dans un coup de grisou, la moitié droite de son visage emportée par le souffle.
Survivant, il décide de s’enfouir dans la solitude; devenir trappeur lui semble alors une belle idée.
L’odyssée de Sven prend alors toute son ampleur, notamment auprès de Tapio, « trappeur socialiste finlandais ».
Ce qu’il y a de sincèrement réjouissant dans ce roman arctique, c’est cet élan constant du Candide face à la rugosité de ses compagnons de route mais aussi de la générosité constante des siens, d’un chien et d’un écossais érudit.
Sven nous entraîne au sein de cet archipel septentrional du Svalbard, analysant lui-même sa propre vie, sa survie psychique avant d’être physique, sa solitude l’amenant doucement mais sûrement, au changement, cette nature vaste, personnage à part entière, et ce va-et-vient selon les deux saisons, de ses amis, dont l’éclipse nécessaire qu’est Tapio, la volcanique Helga, l’impressionnante Skuld.
Sven, au fil des, années, se sculpte au gré de ses aventures, de ce territoire, de ses amitiés fortes. Il y découvre son humanité, expérimente le passage du temps, est fruit du changement par le regard des autres, jusqu’à ressentir en sa chair, les profonds bouleversements. Et il y en aura, tiens toi prêt-e !
« Le premier aperçu du Raudfjord, s’ouvrant comme un gouffre vers l’intérieur de l’île, eut pour effet, comme si souvent, de perturber mes émotions et les ballotter de-ci de-là. Je tentai de diriger mon œil vers la beauté, l’isolement, le calme, le havre loin des regards. Mais la douleur d’Helga, les besoins de Skuld et l’arrachement soudain à Ludmilla, tout cela me tenaillait, me rongeait, me saignait de l’intérieur. «
L’odyssée de Sven est un roman d’aventure débordant du cadre.
Voici une histoire multiple, solitaire, solidaire, radicale et humaniste.
Un bijou boréal
Fanny.
L’Odyssée de Sven, Nathaniel Ian Miller, Buchet-Chastel / J’ai Lu, 512 p. , 8€90.