Quand tu lis, en couverture, et un peu partout sur l’internet, que cet auteur est le Stephen King italien, forcément, tu t’interroges.
Donc, et forcément, je me suis interrogé.
Je me suis interrogé pendant toute la lecture, pour ne rien te cacher, et même quand j’ai eu refermé le bouquin.
D’ailleurs, en écrivant cette chronique, je m’interroge toujours.
Parce que comme Seb, que tu connais si tu lis régulièrement nos avis, le King et moi, c’est une histoire d’amour qui dure depuis que je suis môme et en âge de comprendre que le Mal existe, et qu’il se cache partout où tu ne l’attends pas. En âge de comprendre que la grande malice du Diable, c’est de nous avoir fait croire qu’il n’existe pas, comme le disait Baudelaire.
Tu vois le truc ?
S’il s’agissait d’alterner la réalité et la fiction pour faire un grand roman, ça se saurait et d’aucuns (ils sont nombreux) l’auraient déjà fait.
Je râle pas Ghislaine, j’explique.
S’il s’agissait d’écrire des trucs gothiques pour qu’on te dise que t’es le Stephen King de l’Azerbaïdjan, ça se saurait aussi, et d’aucuns (les autres) l’auraient déjà fait.
Je râle toujours pas, Ghislaine.
Le pitch, parce que j’ai décidé de te faire un pitch, de temps en temps.
Bruno a treize ans, et il vit dans un orphelinat où le prêtre n’est pas le gentil monsieur qu’on s’imagine parfois. Il est brutal, et violent (les deux, c’est pas toujours le cas), et si ça te rappelle quelque chose que tu as lu quelque part, je suis désolé. Les prêtres, ce sont parfois ceux qui te ramènent au Mal en te faisant croire qu’il n’existe pas, parce que Dieu, blablabla…
Un été, Bruno et son pote Nino sont choisis pour aller bosser chez un type qui a une grosse maison et beaucoup d’argent.
C’est le pitch.
J’y ajoute que Bruno a tendance à faire des cauchemars et à croiser une petite fille qui a perdu son chat.
Voilà.
Un roman basé sur la confusion entre le vrai et le faux. Entre ce qui se passe réellement dans la vie de Bruno, et ce qu’il imagine à travers ses rêves.
Pas facile de suivre, je vais pas te mentir, surtout au début. Il faut que ton cerveau de lecteur s’adapte aux allers et aux retours.
Mais nonobstant ce point de vue qui n’engage que moi, ce roman est un vrai roman noir. Noir dans le sens « Edgar Allan Poe ».
Pas de lien avec le chat (quoique…).
Le côté fantastique est plutôt bien traité et l’écriture ne s’emballe à aucun moment pour atteindre le ridicule que certains écriveurs frôlent souvent dans leurs romans (si tu penses à un des romans de Chattam où il est question de fœtus congélateurs, tu penses au même que moi).
King est un génie, celui qui fait sortir les monstres de sous ton lit, même si parfois, il m’a déçu au point que j’ai regretté avoir lu certains de ses romans.
Ici, point de génie.
Ou en tout cas, je ne l’ai pas croisé.
La première partie du roman est longue comme un jour sans pain, et je me suis fait suer (j’ai mangé des carottes donc je suis poli) au point que j’ai failli abandonner ma lecture plus d’une fois.
Il a fallu attendre la seconde moitié du roman pour que je commence à apprécier cette écriture souvent surprenante. Et devoir attendre la seconde partie d’un roman de presque quatre cents pages, c’est parfois un peu longuet…
En revanche, et pour être sincère, je me suis relu la première moitié pour comprendre mieux la seconde. Ce que je ne fais en général jamais.
Antonio Lanzetta est un véritable auteur, mais ce que j’attendais de ce roman est malheureusement lié à ce qu’en dit l’éditeur.
Terrible erreur de qualifier ainsi un auteur inconnu chez nous. Terrible erreur parce qu’on attend forcément autre chose que ce qu’il nous offre.
Il écrit bien (qui suis-je pour juger…) mais il ne m’a pas emporté vers cet ailleurs que j’espérais.
La fin de cette histoire m’a semblé bâclée, et c’est dommage.
Dommage de ne pas avoir consacré quelques pages de plus à l’écriture pour sortir de ce flou incompréhensible pour un lecteur peu habitué au fantastique.
Car on est loin, très loin, du thriller annoncé par l’éditeur.
J’ai parlé de Poe parce qu’on est plus dans cette veine gothique, mais là encore, n’est pas Edgar Allan Poe qui veut.
En revanche, l’aspect psychologique des personnages est parfaitement traité, et les scènes destinées à nous faire frôler la folie sont particulièrement réussies. Les mots sont parfaitement dosés et nous entraînent dans le cerveau de Bruno avec beaucoup de justesse.
Et c’est bien.
C’est glauque, souvent malsain, et l’ennui que je redoutais durant la première moitié du livre a été oublié pendant la seconde partie, même si j’aurais apprécié de mieux connaître Bruno, devenu adulte. Là encore, dommage d’avoir fait l’impasse sur quelques pages supplémentaires…
La question est donc, et je ne suis pas coutumier de la poser, est-ce que tu dois allez chercher ce roman chez ton libraire ?
Je sais pas.
« Il repensa à l’orphelinat, aux fissures dans les murs, au sol poussiéreux sous son lit, et à l’erreur qu’il avait commise en croyant que la maison était un endroit sûr où se cacher. Il n’y avait aucun endroit sûr dans ce monde. Il n’y avait que des hommes et le mal qui leur collait à la peau. »
C’est tout ce que j’ai à dire sur ce roman, après quelques jours de gestation.
Traduit de l’italien par Anna Durand.
Nicolas.
L’Homme sans sommeil, Antonio Lanzetta, Méra Éditions, 383 p. , 19€90.