L’envie de partage et la curiosité sont à l’origine de ce blog. Garder les yeux ouverts sur l’actualité littéraire sans courir en permanence après les nouveautés. S’autoriser les chemins de traverse et les pas de côté, parler surtout de livres, donc, mais ne pas s’interdire d’autres horizons. Bref, se jeter à l’eau ou se remettre en selle et voir ce qui advient. Aire(s) Libre(s), ça commence ici.
Cœurs de rouille, Justine Niogret (Le pré aux clercs) – Nicolas
Cœurs de rouille, Justine Niogret (Le pré aux clercs) – Nicolas

Cœurs de rouille, Justine Niogret (Le pré aux clercs) – Nicolas

J’ai décidé de changer de catégorie.

Parce qu’après avoir lu Le syndrome du varan, je me suis pensé, en mon for intérieur, qu’il était temps de jeter un œil circonspect sur ce qu’elle a écrit d’autre, la Dame.

Je mets une majuscule à Dame parce que c’est ma chronique et que je fais exactement comme je veux.

La Dame, c’est Justine Niogret, alias Misha Halden.

Je savais pas vraiment à quoi je m’attendais, sauf que le prologue, déjà, me laissait espérer comme d’habitude une langue étonnante, dure et viscérale.

Il est bien évident qu’on s’éloigne de mon pré à moi pour aller dans celui des clercs, et il est bien évident aussi que ne rien découvrir c’est aussi ne plus jamais apprendre, et que ne plus jamais apprendre, c’est devenir fainéant, avec de la graisse autour du cœur.

De la rouille ici, en l’occurrence.

Sur la quatrième de couverture, il y a écrit que ce roman est une fusion réussie entre steampunk et fantasy.

Forcément, parce que je suis curieux, j’ai fouillé pour savoir ce que c’était que ce truc.

Quand je dis que j’ai fouillé, tu me connais pas dans la vraie vie de la réalité, mais si je fouille, je fouille. Et comme j’ai de la chance, je retiens ce que je croise, la plupart du temps.

Ce qui va te faire suer, c’est que j’ai pas vraiment de réponse.

Je t’explique.

Dans « Steampunk », il y a punk.

Jusque-là tu suis, je sais. Punk, ça veut dire qu’il y a pas de futur. Ben ouais, « No future », ça te parle ? Tu l’as déjà entendu…

Avant le steam, y a eu le cyber. Le cyber, c’est de la science-fiction. Genre dystopie, et la dystopie, tu connais aussi. Souviens-toi de 1984.

T’es dedans.

Un monde imaginé qui n’existe pour le moment que dans l’imaginaire de l’auteur. Le cyber, c’est comme si tous les humains s’étaient pris un mur, et que l’ensemble de l’humanité s’était mis à boiter.

Quant au steam, l’idée de départ, c’est de faire référence à l’époque victorienne (19ᵉ siècle, Ghislaine), puisque la machine à vapeur, c’est ce qui nous a emporté vers le futur, et ce qui a permis aux pauvres de rester pauvres.

Merci à l’inventeur de la machine à vapeur…

Quant aux riches, je t’en cause pas, tu connais mon opinion.

Donc, le steampunk, c’est un peu la reine Victoria, en baskets Nike avec un chapeau sur la tête, et un corset type sado-maso…

Tu vois l’image ?

En gros, le steampunk, si j’ai bien compris, ça veut dire que la révolution industrielle aurait pu se faire avec autre chose qu’une cocotte-minute, et on va te raconter.

Imagine plusieurs univers parallèles au nôtre, où à chaque fois que tu ouvres une porte, tu fabriques un autre monde.

C’est juste magique.

Il semblerait qu’une des références de ce genre soit le roman « La liste des sept » de Mark Frost.

Pas lu. Pas encore.

Bon, comme d’habitude, je me rends compte que je t’ai toujours pas parlé du roman de Justine.

Dedans, il y a Saxe. Et il y a Dresde. Saxe et Dresde. Et il y a Pue-la-Viande. Pue-la-Viande, tu fais sa connaissance dans le prologue, et ça te dit que t’es dans un roman différent :

« Avant ce soir, Pue-la-Viande mangerait la terre. Il le savait d’avance, le sentait.

Il en avait une si grande envie qu’elle en était douloureuse. Comme une fièvre dans ce qui lui servait de nerfs ; dans ses tendons d’acier vrillé, ses tresses de câbles fins comme des cheveux, impossibles à casser. Ils en tremblaient presque.

Manger la terre. »

Voilà comment je suis rentré dans ce roman. Tu comprends que steampunk ou pas steampunk, j’ai juste voulu savoir où elle allait m’emporter. L’histoire se déroule dans une ville.

Pas la tienne, ni la mienne non plus.

Une ville où les hommes ne sont plus vraiment, comme anéantis par une catastrophe que Justine Niogret te laisse imaginer.

Tu vas toi aussi essayer de fuir cette cité, passer d’un niveau à l’autre avec Saxe et Dresde. Tu vas avoir peur du Golem juste derrière toi. Tu vas entrer dans le musée, tu vas croiser la baleine, et les rats vont te marcher dessus.

Je t’ai pas dit non plus, mais un golem, c’est une créature qui fait un peu penser à celle de Frankenstein, puisqu’on est dans le 19e siècle. Une créature à qui on donne la vie en lui collant un verset de la bible sur le front.

On rigole pas dans les traditions juives.

Bon, on va pas se mentir, c’est pas le cas de Pue-la-Viande. Lui, c’est la révolte de l’intelligence fabriquée par l’humain.

Au point que dans cette cité, chacune des images que tu vois est fabriquée.

Les arbres, les oiseaux… rien n’est plus vivant, au sens où toi et moi l’entendons.

Alors toi aussi, tu vas courir, et tomber amoureux de Dresde.

De son visage de porcelaine, de sa force étonnante, des émotions qu’elle va partager avec Saxe, le petit homme qui faisait marcher des automates.

Je t’ai dit au début de cette chronique que steampunk, c’était victorien. C’est pas le cas ici. Ici, t’es dans demain matin, ou dans l’année prochaine.

T’es dans ce que les hommes sont en train de fabriquer en croyant qu’ils vont s’en sortir.

Et t’es précisément dans ces lieux que Justine te décrit parce qu’elle sait, juste avec ses mots, te faire sentir le froid ou la chaleur, l’odeur de la mort ou celle de la vie, te faire toucher les murs qui entourent cette cité dont tu veux sortir.

Te faire entendre le non-sens quand les hommes ne voient plus qu’à travers des vitres sales, et qu’ils imaginent qu’ils seront encore là demain.

D’aucuns parleront d’une quête.

J’ai pas vu de quête. J’y ai vu une lumière qui brille au loin, comme celle qui est, paraît-il, au bout du tunnel que tu traverses quand tu viens de mourir, comme si Justine Niogret nous prenait la main pour nous aider à traverser, une lumière que Saxe et Dresde espèrent tout au long des pages de ce roman.

J’y ai vu une histoire d’amour, une histoire où la couleur de la peau ou la religion sont remplacées par le visage de Dresde et la main de Saxe.

Il y a un type qui a dit un jour que « L’art, c’est juste de l’amour donné au public ».

Tu vois ce que je veux dire ?

C’est tout ce que j’ai à dire sur ce roman.

Nicolas.

Coeur de rouille, Justine Niogret, Le Pré aux Clercs, 272 p. , 8€90.

La rouille… C’était trop simple de te déposer la chanson de Maxime.

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