L’envie de partage et la curiosité sont à l’origine de ce blog. Garder les yeux ouverts sur l’actualité littéraire sans courir en permanence après les nouveautés. S’autoriser les chemins de traverse et les pas de côté, parler surtout de livres, donc, mais ne pas s’interdire d’autres horizons. Bref, se jeter à l’eau ou se remettre en selle et voir ce qui advient. Aire(s) Libre(s), ça commence ici.
Busby Berkeley, l’homme qui fixait des vertiges, Séverine Danflous & Pierre-Julien Marest (Marest éditeur) – Margot
Busby Berkeley, l’homme qui fixait des vertiges, Séverine Danflous & Pierre-Julien Marest (Marest éditeur) – Margot

Busby Berkeley, l’homme qui fixait des vertiges, Séverine Danflous & Pierre-Julien Marest (Marest éditeur) – Margot

Vous connaissiez Busby Berkeley ? Moi non plus, rassurez-vous ! Mais on a dit dans mon oreillette de lectrice que c’était un pionnier des comédies musicales passé de Broadway à Hollywood, avec une certaine modernité pourtant liée avec les arts de son temps. une figure essentielle du cinéma américain musical des années 30, un cinéaste-chorégraphe à qui l’on doit des films, et des extraits, d’anthologie.

Étant depuis longtemps portée sur les films musicaux, je me suis dit que ce livre me parlerait autrement de ce type de films ! Comme on ne peut ni tout savoir ni avoir tout vu/lu, lire est toujours une avancée personnelle et collective. Oui, les deux à la fois. Car justement, parfois un livre est lui aussi étonnement personnel et collectif. C’est le cas de cette biographie fouillée, visuelle, poétique et documentée.

Ce livre est une alcôve de plaisirs lettrés, imagés, poétiques et cinéphiles, un vibrant hommage à un créateur dont on peut lire et voir qu’il a été inspirateur d’art chorégraphique libre car débridé et aussi créatif qu’inventif. Un délicieux cocktail entre essai et la biographie, le catalogue d’images et les moments de vie de celles qui ont été ainsi mises en images, l’analyse desdites images savamment décortiquée, décarcanisée et les idéologies trompeuses dévoilées.

Ce ne sont que 470 pages, mais des pages denses, à feuilleter, effeuiller, décrypter pour approcher la singularité de ce personnage hors norme, ce génie de la forme, depuis ses début à Broadway jusqu’à son entrée dans la légende hollywoodienne, légende revisitée aujourd’hui, brillamment.

Toute une époque, tout un art, des « chorus girls » à l’oubli

Une carrière faite de hauts, de bas, d’équilibre inattendu, malgré un coup d’arrêt avec l’entrée en vigueur du code de censure mis en place sur l’industrie cinématographique par le sénateur Hays qui met fin aux danseuses, leurs nombrils qu’on peut apercevoir, leurs jambes en mouvement collectif, ces « kyrielles de guiboles », ces danseuses qui volent des baisers au détour d’une chorégraphie fiévreuse, collectivement enflammée.

Un volume à la fois léger et dense, oui, le pouvoir de la danse fait ça aussi aux pages; une deuxième partie nous offre une entrée plus thématique dans l’art de Busby, tissant des liens entre son style et les arts de son époque.

Un bien bel objet à lire, spirituel, corporel, à la fois maniériste et baroque, truffé de fines références en cerise sur le gâteau à déguster, page à page, avec ces girls en corolles, Man Ray, Arcimboldo (un numéro de Banana Split, ces filles brandissant des rangées de bananes géantes rappelle les évocations sensuelles dudit fruit de tentation qui soit courbes ou contondant), Duchamp car le Nu descendant l’escalier est une trame corporelle de mouvements pour les ballets de Berkeley, mais aussi Philip K. Dick, André Breton, Leiris, Andy Warhol, entre autres, car la liste de références est aussi belle qu’une ronde sans fin, sans oublier le plaisir d’enfin voir le visage de ces girls inconnues auquel les auteurs rendent aussi hommage dans ce livre.

La vie d’un créateur visionnaire dans une machine à images, un livre aussi érudit que clair, savamment illustré et orchestré

Car le livre est aussi émaillé de courts textes résumant la vie de celle qui n’auront fait que passe sur l’écran, furtivement, comme des marionnettes dansantes dont le nom et le visage importent peu. Car l’industrie du spectacle est elle aussi décryptée, dans ce texte qui ose brasser les savoirs, les dire, sans les hiérarchiser, en abordant son sujet sous tous les angles. L’histoire du cinéma est aussi faite de ces détails, de ces grandeurs et chutes sont on ne se souvient pas toujours, tant se faire une place est un combat parfois malheureusement perdu d’avance. Ce qui a été le cas de Berkeley, réussir puis s’effacer, écrasé par les autres.

Vous ne connaissiez pas ? Cette lecture vous enchantera et vous donnera envie d’aller voir les films mentionnés.

Vous connaissiez déjà, mais pas sous cette forme là, qui allie les savoirs pour les déployer comme une fleur ? Lisez ce livre-là, l’effet déploiement est garanti, jusqu’au vertige des sens, oui !

Ni l’un, ni l’autre, ou les deux ? Lisez ce livre, car le kaléidoscope est tout un art ouvreur de sensations et connaissances, et peut-être que vous pourrez ainsi vous apercevoir que nous vivons peut être tous, comme Bubsy berkeley, nous aussi, même sans le savoir, dans un monde transformé, poreux, et ainsi vu lumineusement révélateur.

Vous avez juste envie de le lire ? C’est tout un honneur fait à cette chronique… Lisez-le en dansant, vous aussi, il n’en sera qu’encore, en corps, meilleur !

Margot.

Busby Berkeley, l’homme qui fixait des vertiges, Séverine Danflous et Pierre-Julien Marest, Marest Editeur, 484 p., 24 €.

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