Le perpétuel mouvement des choses de la vie. Il possède un charme fou ce roman de Melinda Moustakis traduit par Josette Chicheportiche.
J’avais déjà adoré son recueil de nouvelles bien nommé Alaska et il me tardait de voir si son roman pouvait provoquer cette empreinte aussi vive. Et c’est le cas; cette émotion à la lecture mêlant tendresse pour les personnages, passé troublé, clairvoyance sur ce territoire tout à la fois âpre et grandiose.
J’ai aimé prendre ce temps de découvrir Marie et Lawrence, j’ai aimé ces débuts de chapitre où la nature environnante introduit les scènes de couple avec ces deux temporalités qui s’entrecroisent, celle d’une fragile humanité et celle d’un espace gardant son magnétisme. Au sein de cette Clairière, le temps ne guérit pas les blessures mais les apaise.
Nous sommes durant les années 50, sur le chemin du 3 janvier 1959 lorsque l’Alaska deviendra le 49 ème État des autres déjà unis. Mais auparavant, la petite histoire enveloppée délicatement dans la grande, la rencontre de Lawrence et Marie au Moose Lodge. Pas un coup de foudre, juste la détermination de Marie à changer de direction dans sa vie et celle de Lawrence à briser sa solitude sur ce projet de « cent cinquante acres blancs et d’épiceas blancs et bouleaux à papiers, d’aulnes, de trembles, de peupliers baumiers et de saules (…) »
Une échappée possible, un point de connexion dans l’univers, deux pièces disloquées trouvant leur point d’ancrage vers Anchorage.
Melissa Moustakis écrit leur construction fragile sur un territoire sauvage dont l’homme veut toujours devenir propriétaire. Et dans mon cœur, le personnage de Marie, tenace, résistante, engagée, éblouissante.
Autour de ces deux âmes, des aigles, des gloutons, des ours-e-s, mais aussi des amitiés puissantes, de l’entraide, de la jalousie, de la gratitude, du racisme. Sur cette parcelle, aussi, les restes enfouis par Marie, d’une vie d’avant, d’un peuple premier déjà oublié.
Melinda sublime l’éclat furtif des vies simples et audacieuses, l’importance du lien familial face aux tempêtes et la beauté d’un territoire n’appartenant qu’aux aurores boréales. Une beauté
Fanny.
La Clairière, Melinda Moustakis, 424 p. , 23€50.