Cette île battue par les vents, cette humeur, cette communauté, je me suis dit que j’aimerais y mettre Ouessant. Et puis j’y ai plongé, Après la brume, publié aux éditions Dalva.
Estelle Rocchitelli tisse son roman comme les dentellières de l’île créent leur brise-bise, anneaux reliés entre eux dont le lien semble tout à la fois indéfectible et fragile.
Qu’il est intense, haletant et émouvant ce roman choral débutant par Yuna, évadée depuis longtemps d’une certaine forme de réalité, sœur du dernier gardien de phare, esprit perdu dans la lande.
L’auteure s’attache au territoire sans trop en faire, chacune de ses femmes est une ode à l’indépendance, à l’amour maternel, fraternel, charnel parfois.
Au premier jour né du matin encore ensommeillé, Tina s’occupe de Raph, son moineau, sa fille. Les gestes tendres et répétés avant de partir vers la petite école du bourg.
Cette tendresse transperçante.
« On reste longtemps devant la fenêtre. La gamelle est vide, le chat s’est éloigné sans faire de bruit. Elle reste contre moi, petit animal, son odeur de sel et de lit défait, la chaleur s’imprime doucement sur ma joue. Regarde, maman. Le soleil a grimpé en haut des falaises, et la crête des champs brille. Là-bas, derrière le sentier, une tente perce le brouillard. «
Ce même jour, Alma continue sa marche infatigable sur l’île, Marielle part plonger dans l’eau frémissante de l’île pour se vider de tout, Maud accueille ses élèves, Karen s’occupe de l’auberge en veillant de loin sur Yuna.
Puis le brouillard tombe rapidement sur le caillou et la petite Raph, enfant de l’île, disparaît lors d’une promenade avec ses camarades et sa maîtresse.
Estelle Rocchitelli continue de tisser ce qui se passe, nos cœurs battent la chamade.
Son écriture est comme un paysage, ses héroïnes sont ces vents qui balayent cette île intense, taiseuse et mystérieuse.
Une beauté que ce premier roman.
Fanny.
Après la brume, Estelle Rocchitelli, Dalva, 224 p. , 20€.