L’envie de partage et la curiosité sont à l’origine de ce blog. Garder les yeux ouverts sur l’actualité littéraire sans courir en permanence après les nouveautés. S’autoriser les chemins de traverse et les pas de côté, parler surtout de livres, donc, mais ne pas s’interdire d’autres horizons. Bref, se jeter à l’eau ou se remettre en selle et voir ce qui advient. Aire(s) Libre(s), ça commence ici.
Les stripteaseuses ont toujours besoin de conseils juridiques, Iain Levison (Liana Levi) – Yann
Les stripteaseuses ont toujours besoin de conseils juridiques, Iain Levison (Liana Levi) – Yann

Les stripteaseuses ont toujours besoin de conseils juridiques, Iain Levison (Liana Levi) – Yann

« Je crois bien que le propriétaire d’une minable boîte de stritease près de l’aéroport est en train de prendre le contrôle de mon existence ».

Par quel mystère un roman initialement publié sous le titre The Whistleblower (littéralement Le Lanceur d’alerte) arrive-t-il chez nous intitulé Les stripteaseuses ont toujours besoin de conseils juridiques ? Le nom de Iain Levison ne suffit-il pas à attirer l’attention ? Lui dont a pris l’habitude de lire chaque nouveau roman depuis quelques années et qui ne nous a jamais déçus, qu’en penserait-il ? Les voies du marketing sont décidément impénétrables (ou, au contraire, bien trop prévisibles). Bref, le Levison nouveau est arrivé et c’est toujours une bonne raison de se réjouir.

Après avoir exercé quelques années au sein d’un cabinet prestigieux, Justin Sykes connaît un violent retour de manivelle le jour où il décide de faire justice et de devenir lanceur d’alerte. Alors qu’il végète depuis quelques années comme avocat commis d’office au quotidien plutôt déprimant, il se voit proposer une offre difficile à refuser : mille dollars par semaine pour une heure de travail comme conseiller juridique auprès de stripteaseuses d’un club miteux. À la fois naïf et curieux de voir où le mènera cette expérience, Justin met bien évidemment les pieds là où il ne devrait pas.

On aime beaucoup de choses chez Levison, qu’il s’agisse de son humour corrosif, de son sens aigu de l’observation ou de l’humanité omniprésente dans ses romans, aussi noirs puissent-ils être. On se ravira donc de retrouver tout ça dans ce neuvième roman publié chez Liana Levi depuis 2003 (Un petit boulot, vous vous souvenez ?). Inlassable scrutateur de la société américaine et de ses travers, il s’attaque cette fois aux aberrations du système judiciaire de son pays, sujet vaste s’il en est, là-bas comme ici. Manifestement très bien documenté sur le quotidien des avocats commis d’office, il en livre un tableau désenchanté, une routine fait de renoncements, de petites victoires et de négociations parfois acharnées dans le seul but d’atténuer la condamnation de ses clients dont la stupidité et la naïveté ne cessent d’étonner Justin jour après jour. Démontrant l’iniquité d’un système qui dépend davantage de la personnalité du juge ou du procureur que d’une réelle impartialité, Levison, en exposant les tractations auxquelles doit régulièrement se livrer Justin, décrit avant tout une machine au sein de laquelle l’objectivité a finalement peu de place et, surtout, une société où ceux qui partent défavorisés n’inversent que très rarement la tendance, contrairement à ce que voudrait faire croire cet american dream auquel plus personne n’ajoute foi.

Photo : AFP.

On n’en dira pas plus sur l’embrouille dans laquelle notre avocat se jette les yeux fermés, si ce n’est que le scénario donne à Iain Levison une nouvelle occasion de faire preuve, à travers le portrait de quelques stripteaseuses, d’humanité et d’empathie. Orchestré avec brio, as usual, ce nouveau roman ne bouleversera pas les amateurs de Levison mais confirme la place à part qu’il occupe depuis quelques années dans nos petits coeurs de lecteurs.

« Il y a environ quarante hommes détenus au dépôt où je rencontre mes clients toutes les semaines, et quand je reviens la semaine suivante, il y en a quarante autres. Ils se ressemblent tous, ils viennent des mêmes quartiers et ont les mêmes problèmes. Ça n’arrête pas, c’est un flot constant d’individus incapables de respecter les règles ? Existe-t-il une sinistre cabale, un mystérieux groupe d’avocats de haute volée et de procureurs se réunissant régulièrement pour ourdir un plan secret dont le chaos que je vois tous les jours est le but ultime ? Se caressent-ils la barbe en disant : « Oui, tout se déroule comme prévu » ? Ou bien est-ce que tout a déraillé sans que personne puisse rien y faire ? »

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Emmanuelle et Philippe Aronson.

Yann.

Les stripteaseuses ont toujours besoin de conseils juridiques, Iain Levison, Liana Levi, 240 p. , 22€.

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