Sean Maguire – Michael Magee, une sacrée composition pour un Retour à Belfast où l’humeur, et l’héritage nord irlandais, te prend au cœur et ne te lâche plus. C’est un souffle, un rythme, une mèche allumée sur ces 416 pages. Michael Magee, avec la traduction punchy de Paul Matthieu, nous place dans un plan-séquence serré sur son personnage, à en sentir l’odeur de sa peau.
Entre Ryan, Finty, Anthony et Mairéad, Sean se faufile dans les pubs, les clubs, travaille pour rien, vole pour bouffer, s’aligne parfois une ligne, renverse sa tête, nous avec, puisqu’à ce moment là, dans cette ville, dans cette perspective, plus rien n’a de sens.
Michael Magee fait avec la violence lapidaire d’un personnage urbain pris dans sa propre lutte. Parce qu’il est extrêmement complexe et ardu de se sortir d’un milieu marqué par la violence des Brits, l’injustice sociale, politique et économique, parce que cette traversée est démente.
L’histoire porte une langue âpre, faite de colère, de dérision aussi.
Cela m’a fait penser à Annie Ernaux, lorsqu’elle avait écrit dans Le Monde qu’« une langue de l’excès, insurgée, est souvent utilisée par les humiliés et les offensés, comme la seule façon de répondre à la mémoire du mépris, de la honte et de la honte de la honte. »
Le long de ces pages, au creux de Belfast, j’entends les Stiff Little Fingers, c’est punk. J’entends aussi dans cette écriture nerveuse, la prose « rapeuse » de Kneecap, ce groupe de rap qui énerve prodigieusement les Tories.
Tu ne peux que suivre Sean, écouter ses pulsations, ses oublis, ses espérances, ses fuck off, te retourner la tête en sa compagnie. Et il les traverse ces tempêtes, cette ville maganée, cette fille prête à quitter le territoire comme un insecte quittant sa mue.
Au plus proche d’une réalité crue, avec cette écriture presque chirurgicale, tu vis ce Retour à Belfast comme un roman politiquement punk, rempli d’espérance, une célébration des origines dans sa brutalité et ses silences.
« (…) Je n’aurais pas dû toucher à cette poudre, Je disais ça à chaque fois, c’était mon petit refrain habituel quand j’étais en descente. Mais sérieux, ce truc vous bousille la tête. Ça vous pousse à vous reprocher tout ce qui va de travers dans votre vie. Et maintenant j’en étais là, coincé en plein centre-ville, sans argent ni aucun moyen de rentrer chez moi, à moins de marcher. J’aurais pu faire ça, marcher. Au lieu de quoi j’ai fermé les yeux et j’ai écouté le vent qui remuait les monceaux d’ordures entassées devant les portes. Quand je les ai rouverts, j’ai aperçu la Divis Tower, et derrière, la colline, comme une épaule dénudée sur le fond du ciel. «
Une sacrée traversée
Fanny.
Retour à Belfast, Michael Maggee, Albin Michel, 418 p. , 22€90.