L’envie de partage et la curiosité sont à l’origine de ce blog. Garder les yeux ouverts sur l’actualité littéraire sans courir en permanence après les nouveautés. S’autoriser les chemins de traverse et les pas de côté, parler surtout de livres, donc, mais ne pas s’interdire d’autres horizons. Bref, se jeter à l’eau ou se remettre en selle et voir ce qui advient. Aire(s) Libre(s), ça commence ici.
Ocean state, Stewart O’Nan (Éditions de l’Olivier) – Margot
Ocean state, Stewart O’Nan (Éditions de l’Olivier) – Margot

Ocean state, Stewart O’Nan (Éditions de l’Olivier) – Margot

Stewart O’Nan is back!

Et il revient en rétrospective, via le témoignage sur un automne funeste, en 2009, avec toute la sagesse du recul temporel pour mieux lire et dire le plus sombre visage de l’humain, situé dans une ville ouvrière de la côte de Rhode Island, Ashaway. Une ville ouvrière qui en révèle, des choses en strates de l’âme, celles des sœurs, des mères et des filles, et les choses terribles que l’amour, enfin ce qu’on appelle ainsi, nous fait faire. Ocean State est un roman bouleversant, magnifiquement écrit et profondément convaincant sur les coeurs, ceux des sœurs, des mères et les filles. Entre autres.

Un automne sombre, macabre mais revisité avec finesse et maestria. Une chorégraphie de méandres qui convergent vers un point culminant à la fois tragique et inévitable, la préparation et les retombées d’un meurtre, racontées à travers les perspectives alternées des quatre femmes qui en sont le chœur.

Dès les premières lignes d’ Ocean State, nous apprenons qu’un lycéen a été assassiné et nous découvrons Angel, la meurtrière, Carol, sa mère, et Birdy, la victime, prennent vie sur la page et aiment manière frénétique et unique, ainsi, l’intensité de leurs sentiments les ramène à des extrêmes qu’aucune d’elles n’aurait pu prévoir.

En ricochet, le souffle de l’écriture de cette histoire fascinante et déchirante de la vie de la classe ouvrière est vital, même ailleurs. Universelle cruauté du réel. Et cette mise en mots de « l’adolescence et ses tourments, l’ennui, les secrets impossibles à cacher dans la petite communauté latino, les élans amoureux aussi intenses que versatiles, l’obsession morbide pour l’apparence. Si le roman flirte avec le thriller, déployant une intrigue impeccable, son centre de gravité est ailleurs : il est dans les regards, les non-dits, les frustrations et les blessures, tout ce qui construit ou détruit les existences, tout ce qui pousse des gens ordinaires à basculer dans la violence. »

J’avais tant aimé les précédents romans de cet auteur, lus au cœur d’une jeunesse qui croyait encore aimer arpenter le plus obscur pour en tirer des mots qui affaibliraient l’infinie cruauté humaine, le rythme et le tableau social ainsi offert étant une arme de lutte contre la torpeur.

Photo : Beth Navarro.

Speed Queen, notamment, déjà aux Éditions de l’Olivier, et cette verve noire à laquelle je n’ai cessé de repenser durant cette lecture, me souvenant, au passage, de la longue conversation entre lecteur.ice.s de littérature dite noire qui avait suivi en librairie, à l’époque de la sortie de Speed Queen, tellement elle disait déjà tant de choses… Il est des visages et des discussions qui restent tatoués dans la mémoire, c’est une des joies du partage sincère et sans filtre du métier de libraire.

Ocean State que je suis troublée, heureuse, perturbée d’avoir hâte de choisir mes mots pour le conseiller en librairie, à ceux qui le voudront, ce dernier opus magistral de Stewart O’Nan, l’intense et clairvoyant écriveur de tout ce qui est sombre pour en tirer une certaine lumière alternative.

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Cyrielle Ayakatsikas.

Margot.

Ocean State, Stewart O,Nan, Éditions de l’Olivier, 296 pages, 23,50 €.

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