L’envie de partage et la curiosité sont à l’origine de ce blog. Garder les yeux ouverts sur l’actualité littéraire sans courir en permanence après les nouveautés. S’autoriser les chemins de traverse et les pas de côté, parler surtout de livres, donc, mais ne pas s’interdire d’autres horizons. Bref, se jeter à l’eau ou se remettre en selle et voir ce qui advient. Aire(s) Libre(s), ça commence ici.
La maison biscornue, Gwen Guilyn (Les éditions du panseur) — Nicolas
La maison biscornue, Gwen Guilyn (Les éditions du panseur) — Nicolas

La maison biscornue, Gwen Guilyn (Les éditions du panseur) — Nicolas

Tu te souviens peut-être de ce film avec Tom Hanks, Halle Berry, et cette actrice coréenne que j’adore, et dont je prononce évidemment le nom avec une petite hésitation, Bae Doo-Na…

Le film, c’est Cloud Atlas. Un film que je revisionne régulièrement, juste pour ne pas oublier ce vers quoi on va, et que c’est sans doute vers nulle part.

Un film dans lequel la langue est détournée, comme une dystopie étonnante, dont les mots ont acquis leur vraie destination…

Alors à la première phrase de ce roman de Gwen Guilyn, j’ai immédiatement pensé à Cloud Atlas. Et crois-moi, c’est un compliment.

Grave.

Le premier coup d’œil, le premier étonnement, le premier sourire, c’est la couverture. La dame qui l’a créée, elle s’appelle Anouck Faure.

Voilà, je t’ai fait mon pitch. Encore un pitch de compétition comme ceux dont j’ai le secret…

Bon, un morceau du début, pour que tu comprennes mon enthousiasme…

La porte a disparu. Comment imaginer que la fin commencerait comme ça ? 

Au début, on pensait que la maison voulait coquiner.

On aurait pu s’en accommoder, parce qu’une fois entré dedans, par la naissance ou le mariage, on y reste, et même la mort ne peut séparer la maison de ses habitants.

Il y a que la Femme, un jour, qu’a glissé dehors comme un pet qu’on peut plus retenir.  Depuis, l’Ongre a beau cogner contre les murs qui biscornent et hurler que la maison est mauvaise, personne n’écoute. Il tape, tape, tape, mais les oreilles de la Mahrgrand, du Pahr et des Filles restent scellées.

Mais avec la porte qu’a disparu et les murs qui commencent à s’effriter, personne n’est à l’abri des crocs de la maison.

C’est le second roman de Gwen Guilyn. Je n’ai pas lu le premier, mais me connaissant, je ne devrais pas tarder à t’en faire un compte-rendu plus ou moins exhaustif.

On verra.

Ce second roman est à classer, aux dires des sachant, dans la littérature gothique contemporaine.

Comme j’ai, quant à moi, beaucoup de mal à classer dans des classeurs les mots, dès lors qu’ils me trifouillent le cerveau et qu’ils me laissent parfois pantois, je te confirme que c’est de la littérature contemporaine. Quant à savoir si elle est gothique…

Sans doute.

En tout cas, je me suis souvenu des contes de mon enfance, ceux qui me faisaient frissonner quand je refermais le livre et que je jetais, juste au cas où, un rapide regard sous mon lit, quand j’avais cette curieuse impression que les murs bougeaient et que j’allais finir broyé entre l’armoire et mes étagères de bibliothèque verte…

Ça t’est arrivé, toi aussi ?

Dans cette maison biscornue, il y a le Pahr. Parce que dans toutes les familles, il faut un Pahr pour guider les membres vers le loin. Vers le demain.

Il y a aussi la Mahrgrand. Parce que dans toutes les familles, il faut un chef pour dire comment faire la soupe de légumes, et comment poser les assiettes sur la table.

Un Fils, une Fille, et une Aut’Fille. Et puis un Ongre, qui fait rien qu’à taper sur les murs.

Tu en connais, toi aussi, des familles un peu bizarres comme celle-ci ?

Il est bien évident que le premier réflexe, aux premiers mots lus, c’est de te demander où nous emporte Gwen Guilyn. Parce que personne n’a encore osé écrire comme ça pour te raconter une histoire. Personne que je connaisse en tout cas.

Et j’en connais plusieurs, des écriveurs.

Vivre dans une maison dont tu ne peux sortir parce que la porte a disparu, ça va forcément te rappeler quelque chose. Ces endroits, dans nos têtes, dont on ne peut pas partir…

Ces pays, dont les frontières sont fermées et dont les habitants ne peuvent imaginer d’horizon, derrière le soleil qui se couche.

Ces femmes, emprisonnées dans ces morceaux de tissus qui les cachent aux yeux des autres, ces morceaux de tissus dont certains ont décidé qu’ils devaient aussi enfermer leurs chants…

Tu vois ce que je veux dire ?

Alors imaginer que Gwen Guilyn a voulu nous offrir quelques mots pour nous permettre de réfléchir à ce que c’est que l’emprisonnement, il y a un pas que je franchis.

Mais peut-être que c’est juste un conte pour les grands.

Une histoire, des mots chamboulés pour notre plus grand plaisir, pour nous prouver que l’écriture n’est pas que celle que tu as apprise en cours de français.

L’écriture dont on t’a dit que les règles devaient être respectées, et que le complément d’objet direct, placé avant l’auxiliaire avoir, devait s’accorder avec le sujet…
Encore faut-il décider où se place réellement le sujet.

Probablement que les mots, eux aussi, sont faits pour être bousculés…

Ne passe pas à côté de cette jolie maison, même si elle est un peu tordue, et biscornue, parce que tu raterais sans doute un des romans les plus étonnants de cette fin d’année 2024.

C’est tout ce que j’ai à dire sur La maison biscornue de Gwen Guilyn.

Nicolas.

La Maison biscornue, Gwen Guilyn, les éditions du Panseur, 192 p. , 19€.


 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

En savoir plus sur Aire(s) Libre(s)

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture