La petite bonne est un grand roman.
Entre-deux-guerres, une bonne arrive pour travailler au sein d’une maison silencieuse où l’humeur grave teinte l’ensemble du lieu. Du haut de sa fenêtre, Monsieur observe la vie qui passe. Défiguré, conscient de sa prison de chair, cet ancien pianiste s’évade parfois dans les notes échappées d’un gramophone. Sa femme, Alexandrine, veille sur lui, fidèle à son homme, cultivant sa bonne conscience pour ne pas égratigner un amour devenu fantôme.
La bonne arrive, elle, avec sa vie transmise d’être « au service de », le fameux « petit personnel ».
Des a priori des deux bords, ils s’observent, se jugent, se découvrent.
Au fur et à mesure, dans cette belle densité littéraire, tu lis l’étouffement tout autant que la docilité, la solitude voulue et celle forcée, la complexité des émotions. Tu lis avec avidité La petite Bonne. Quantités de secrets s’y nichent.
Les fissures deviennent béantes et laissent passer une douce lumière. Les liens construits au fur et à mesure d’un passé proche ou lointain constituent une forme d’humanité tout à la fois farouche et bienveillante.
Notre petite bonne affronte les tempêtes intérieures, notre petite bonne est un amer remarquable, notre petite bonne est tellement plus que petite bonne, même si la société l’y contraint depuis si longtemps, jusque dans son intimité.
Notre petite bonne garde le secret de Monsieur, secret devenant pierre angulaire de ce roman haletant où l’auteure déconstruit les apparences et nous livre des cicatrices belles à en crever.
« Elle comprend tout / Elle comprend trop / Il sait forcément / Elle a déjà traversé ce moment / où une décision doit être prise / où le choix doit être fait / cela laisse des traces / Comment /Il 1 deviné son secret / oui, elle a oscillé /douloureusemenr / entre vivre et mourir /entre tuer et laisser /C’était il y a longtemps / mais sur cet évènement /le temps ne passe pas /Depuis elle tangue /elle cherche (…) «
Remarquable.
Fanny.
La Petite Bonne, Bérénice Pichat, Les Avrils, 272 p. , 21€10.
Eh bien…en plus avec Thomas Fersen en final…Belle chronique et titre noté, je ne connais pas cette edition.