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Quand on demande à François Guérif de sélectionner, au sein de ce qui est LE catalogue de référence du roman noir en France, 11 titres qu’il aimerait remettre en avant, des romans qui l’ont marqué et auxquels il souhaite offrir une nouvelle vie, l’amateur de polar ne peut que se frotter les mains. C’est donc aujourd’hui pour certains d’entre nous l’occasion de découvrir le prolifique Bill James, écrivain gallois dont pas moins de 16 romans ont été publiés chez Rivages, parmi lesquels 14 mettent en scène le superintendant Colin Harpur et son chef Desmond Iles (il en existerait 35 au total !). À la lecture de ce Retour après la nuit, on pourra se réjouir que tant de titres nous restent à découvrir.
Lorsqu’il découvre le cadavre de sa femme, Megan, à côté de sa voiture alors qu’elle revenait de Londres, Colin Harpur ne sait pas encore, même s’il a des doutes, qu’elle s’apprêtait à le quitter. Par égard (?) pour son superintendant, le chef Desmond Iles va se charger de l’enquête mais Harpur, au-delà des questions qu’il se pose sur sa vie avec Megan, finira par devoir affronter une réalité dont il aurait souhaité pouvoir protéger ses filles.
Ce qui frappe d’entrée de jeu, c’est la qualité et le mordant des dialogues que Bill James (Allan James Tucker de son vrai nom) prête à ses personnages. Ainsi, chaque discussion prend régulièrement des allures de passe d’armes à fleurets mouchetés, où finesse d’esprit et subtilité rivalisent avec un humour souvent vachard et une ironie mordante. Par ailleurs, c’est également cet aspect du roman qui peut déranger quand l’auteur prête les mêmes qualités aux conversations de Jill et Hazel, les filles de Harpur. Cette impression que les enfants s’expriment avec la même maturité que les adultes qui les entourent constituera à mon goût le seul vrai bémol de cette lecture. Ceci dit, grâce à ce choix, Bill James donne ainsi une épaisseur particulière à son roman en prenant en compte la vision des deux fillettes. C’est par ailleurs une des caractéristiques de ce roman que de se pencher avec une attention particulière, méticuleuse sur les états d’âme des protagonistes principaux.
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Le roman est construit de telle manière qu’entre les chapitres concernant l’après-meurtre et l’enquête, s’intercalent des moments de la vie de Megan et de ses différents séjours à Londres avec son amant, lui aussi policier, le beau et mystérieux Tambo. Outre la description minutieuse de l’état d’esprit de Megan et des multiples questions qui se posent à elle lors de ses escapades amoureuses, Bill James revient longuement mais par épisodes sur les dernières minutes de cette femme aussi belle qu’intelligente. C’est l’occasion pour l’auteur de briller dans des pages dont la force provient de la précision avec laquelle il revient sur ce dernier retour en train depuis Londres. Plaçant le lecteur dans la peau de Megan, il parvient à faire monter l’inquiétude lorsque celle-ci remarque un homme dont elle pense qu’il pourrait bien la suivre. Si l’on ajoute à ces scènes les éléments qu’apprennent Harpur et Iles durant l’enquête, on ne pourra qu’admirer le savoir-faire de Bill James qui crée ainsi une tension d’abord insidieuse qui se fait de plus en plus poignante lorsqu’approche la mort de Megan. Certaines pages sont des chefs d’oeuvre de noirceur tant l’agonie et les dernières pensées de la victime sont décortiquées, analysées minute après minute, sans cruauté inutile mais avec l’intérêt que pourrait avoir un entomologiste pour l’objet de ses études. À cet égard, Retour après la nuit s’avère particulièrement impressionnant.
On parlait un peu plus haut de la qualité et de l’éclat des dialogues et il faudra reconnaître que Bill James n’a pas son pareil pour dessiner des personnages hauts en couleurs et brosser des portraits aussi riches que crédibles, l’archétype étant Desmond Iles, ce grand manipulateur retors et pervers, à l’intelligence aigüe et à qui rien ou presque n’échappe, un personnage que l’on adorera détester. Les autres protagonistes ne sont pas moins réussis, qu’il s’agisse de personnages de premier plan ou de figurants, comme l’exaspérant Roger, poète amateur et ami de Megan. C’est là aussi une des qualités de ce roman (qui décidément n’en manque pas) que de parvenir à alterner des scènes particulièrement drôles et féroces et des moments presqu’insupportables de réalisme.
On comprendra donc sans peine les raisons qui ont poussé François Guérif à sélectionner ce Retour après la nuit dans ses « Iconiques » et l’on refermera le roman avec la conviction qu’il mérite de trouver de nouveaux lecteurs. Quant aux autres titres de la série, on n’attendra sans doute pas bien longtemps avant d’en découvrir quelques-uns, déjà pressés que nous sommes de retrouver ce duo improbable et marquant, Harpur et Iles.
Traduit de l’anglais par Danièle et Pierre Bondil.
Yann.
Retour après la nuit, Bill James, Rivages / Noir, 316 p. , 9€90.