En préambule, tu sais que j’aime les préambules, je n’ai pas lu le précédent roman d’Hélène Couturier.
Le Fils de femme dont il est question un peu partout sur la blogosphère parisienne.
Je viens juste de croiser la dame, avec ce roman étonnant.
Étonnant dans le sens où je ne m’attendais pas vraiment à être surpris.
Je suis pas surprisable facilement.

L’histoire d’un homme qui aime les femmes. Ou plutôt d’un homme qui aime surtout sa mère, et qui a un peu tendance à considérer les autres femmes comme des sextoys plus ou moins efficaces. C’est ce que j’ai cru au début du livre.
Je vais à l’encontre de ceux qui ont crié au génie, je sais.
Tout d’abord, Ilyas, je me dois de préciser qu’il ne m’a pas impressionné. Mon instructeur faisait 120 kg et avait la tête de Dave Bautista, qui joue dans Knock at the cabin de Shyamalan.
Pas le genre beau gosse, donc.
Là, t’as affaire à un kabyle, danseur presque mondain, qui drague les gonzesses en boite de nuit. Je précise qu’il est Kabyle, parce que c’est important pour lui. Pas « arabe » mais Kabyle.
J’ai tenté d’y voir quelque chose en lien avec quelque chose que l’autrice aurait aimé nous préciser, mais j’ai vu que dalle. J’imagine que c’est un truc pour nous faire aimer le personnage.
Un truc d’auteur.
Tu vas donc aussi te rapprocher d’Élodie, aux fesses formidables, qui a en plus de ses fesses la particularité d’être flic.
C’est tout pour le pitch, et ça suffit.
D’aucun y a vu un roman sur la solitude.
Ben oui, forcément.
Le mec est tout seul, et les seules femmes qui trouvent grâce à ses yeux, c’est sa mère et une chanteuse au physique éthéré, et à la voix éthérée aussi.
En revanche, tu vas forcément entendre la violence du père, dans les quelques phrases qui lui sont consacrées. La violence si forte que Ilyas ne l’appelle que « le géniteur ».
On est loin du « syndrome du varan », bien sûr, mais dénoncer la violence faite aux enfants, quelque soit les phrases employées, ne doit pas rester livre mort.
L’écriture d’Hélène Couturier tranche dans le vif, et souvent, les gestes décrits vont te bousculer, parce qu’écrire à partir de ses tripes, ça bouscule.
Écrire sur la tentation de devenir le contraire de celui ou de celle qui nous a blessé durant notre enfance.
Qui nous a marqué au fer au point de ne plus pouvoir envisager l’autre, celui qui nous fait face, comme un refuge possible.
Ilyas respecte les femmes, au contraire de celui qui a l’a fabriqué ; il les respecte au point qu’après les avoir séduites, il est capable de les regarder dormir sans même les toucher du bout des doigts.
Sans doute ce qu’ont espéré toutes celles qui ont regardé les loups qui les guettaient au coin du bois.
Ilyas est multiple.
Et c’est sans doute ce qui m’a le plus intéressé dans ce personnage.
J’ai pensé au Dieu Multifaces de Jeu de trône. Ces hommes et ces femmes capables d’être un et une autre en même temps. De se cacher derrière des masques qui leur font oublier qui ils sont.
J’ai pensé à ces pervers narcissiques qui envahissent les boites de nuit et filent du GHB aux gonzesses pour être sûrs qu’elles vont les aimer.
J’ai pensé à ces hommes et ces femmes croisés au détour d’une soirée qui sont autres quand ils rentrent chez eux.
Ilyas est de ceux-là.
Il est un et un autre. Celui qui enseigne le Kravmaga, et celui qui espère, tellement, que celle à qui il parle va remarquer qu’il est Kabyle.
Qu’il est douceur, qu’il adore la chanson française et Juliette Armanet…
Tu vas toi aussi te laisser emporter par ces phrases écrites à l’os, parfois interrompues par une pensée d’Ilyas, comme s’il voulait t’interdire de voir les paysages racontés par Hélène Couturier.
Un roman court, mais d’une densité qui va sans doute t’emporter chez ton libraire pour y croiser les livres précédents de cette autrice.
C’est tout ce que j’ai à dire sur ce roman.
Nicolas.
De femme en femme, Hélène Couturier, Rivages / Noir, 192 p. , 19€.